J'ai eu une envie...
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le 16 févr. 2018
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Le deuxième livre de l’écrivain russe Andreï Guelassimov, après son recueil de nouvelles «Fox Mulder a une tête de cochon», publié en 2002, et traduit en français en 2004 par Joëlle Dublanchet pour les éditions Actes Sud, est un roman aussi bref que marquant.
Kostia a été défiguré pendant la guerre en Tchétchénie suite à l’attaque de son char, pris pour cible par des snipers. De retour dans sa maison, il en retire tous les miroirs, vit surtout cloîtré car il fait peur aux enfants et dérange les adultes. Pour oublier sa nouvelle condition insupportable, il se noie dans un flot de vodka, comme les personnages des nouvelles de Zakhar Prilepine, et se remémore aussi ce directeur d’école hors normes qui lui a jadis appris à regarder et à dessiner, un homme qui ne réussissait jamais à étancher sa soif de vodka.
«C’est chez le directeur, Alexandre Stépanovitch, que j’ai vu pour la première fois de ma vie autant de vodka dans un même endroit. Il ne l’achetait jamais au détail. Il se mettait d’accord avec des types qui la lui apportaient par caisses. Pour éviter d’avoir à faire des aller et retour.
- Je meurs de soif, disait-il, j’ai continuellement soif, Constantin. Mon organisme a besoin de liquide. Ou d’autre chose, je ne sais pas. Tu sais, j’ai grandi dans un endroit où il n’y avait pas d’eau du tout. Ni rivière ni étang. Je ne me souviens pas de la moindre flaque d’eau. Et il n’y avait pratiquement jamais de pluie. C’est pour ça que, jusqu’à présent, j’ai soif. J’ai toujours une sensation de sécheresse. Donne-moi ce verre, là.
Il posait devant moi des bouteilles vides, de la vaisselle, des chaussures, et je dessinais. Pendant qu’il buvait sa vodka.»
En partant à la recherche de Serioja, qui était son capitaine pendant la guerre, avec ses compagnons d’armes de Tchétchénie, il recroise la route de son père, dragueur impénitent, jaloux, grande figure absente de son enfance, aujourd’hui remarié et avec de nouveaux enfants. Kostia recommence aussi à dessiner tout en cherchant Serioja. Évitant son propre reflet il va réussir à regarder le monde et, en le représentant, à s’y réinsérer.
Dans un style tout en justesse sur un sujet qui côtoie l’indicible, Andreï Guelassimov réussit à raconter, à partir du gouffre du retour impossible de cet homme transformé en monstre, au cours de ce road-movie tragique et touchant, ce qui n’est rien de moins que la quête d’un bonheur perdu, en revisitant les douleurs de l’enfance, en évoquant la boucherie de la guerre et la souffrance de l’adulte en filigrane, et la capacité de transcender ces douleurs avec l’art … et avec plus ou moins de vodka.
Un grand roman sur la possibilité d’une rédemption et la soif inextinguible de vivre.
Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/12/09/note-de-lecture-la-soif-andrei-guelassimov/
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http://www.charybde.fr/andrei-guelassimov/la-soif
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Créée
le 5 mai 2012
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