Il y a des livres qu'on dévore et des livres qui vous dévorent. Des livres qui vous aspirent dans leur monde et ne vous lâchent pas tant que vous n'avez pas refermé la dernière page. La sonde et la taille est de ceux-là. Il rentre sans conteste dans mon top ten des meilleurs livres que j'ai lu sans conteste. D'ailleurs, si vous contestez je vous passe par l'épée.

La Sonde et la Taille, c'est l'histoire du roi Conan qui a régné pendant de nombreuses années sur les sept nations. Conan est vieux et malade, gravement malade. Et Conan est fatigué des intrigues de palais. Il ne cherche plus qu'à protéger la dernière personne qui compte à ses yeux : Colin, son fils adoptif.

Alors quand un complot tente de s'emparer de son trône, Conan va devoir redevenir celui qu'il a toujours été. Conan le Barbare, Conan le Cimmérien.

En 1982, à la fin du film Conan le Barbare de John Milius, on voit le roi Conan. Un appel à des futures aventures qui ne se fera jamais. Enfin, il y a bien une suite et une fausse suite que nous passerons sous silence. Cette image restait gravée en moi comme une promesse, un fantasme jamais réalisé.

Je n'ai jamais lu les romans de Robert.E.Howard. J'ai beaucoup lu les bandes dessinées du personnage quand j'étais jeune. J'associe donc Conan au personnage dessiné par le grand John Buscema. C'est avec ces souvenirs que j'ai abordé la Sonde et la Taille, et avec un brin d'appréhension aussi parce que je ne suis pas passionné par l'Héroïc-Fantasy. Voilà le contexte. Ce contexte, il a explosé en milles morceaux à la lecture de l'ouvrage.

C'est, à mon sens , la meilleure histoire du Roi Conan qui pouvait être racontée.

L'homme est vieux et malade, mais pas seulement. Son monde tombe en déliquescence, il n'est plus que l'ombre de lui-même sentant la mort approcher à grand pas.

Dès le premier chapitre, nous sommes plongés avec un talent de conteur hors-pair dans les paysages glacés de Cimmérie. Les odeurs, les textures, les sensations, la matérialité des scènes nous décrivent une ambiance presque documentaire de l'époque. Laurent Mantese est un reporter de guerre, il nous décrit le monde barbare avec moults détails et descriptions précises des armes, des coutumes, des vêtements sans que jamais ça n'interfère à l'histoire. Au contraire, cela lui donne un aspect terriblement réaliste. Après une introduction étrange qui trouvera son explication dans la dernière partie et une présentation de l'entourage, les nombreux personnages tous réalistes et très crédibles; puis du règne de Conan et des doutes qui l'assaillent, nous arrivons au chapitre qui donne son titre à l'ouvrage et c'est aussi le point de bascule du livre. Une opération chirurgicale douloureuse mais nécessaire parce que Conan n'est pas prêt à mourir. Il ne l'a jamais été. Puis vient l'attaque de la citadelle de Kaldré ! Le complot ourdit par des traîtres qui veulent s'emparer de la couronne se déchaîne dans un torrent de violence sauvage et barbare à la limite du soutenable. Bon quand le meneur de l'attaque se nomme Tranche-Gueule, on ne peut pas s'attendre à une partie de chat perché. Mais 'tain ! Quelle boucherie ! J'ai pas les mots... Je lisais en tournant les pages en espérant que ce massacre s'arrête. Mais nous sommes dans des contrées barbares à une époque lointaine. La morale n'a pas court et je n'ai jamais, je pense, ressenti avec autant de force, une époque ou toutes les lois, les règles n'ont plus courts et tout ça à quelque chose de profondément effrayant parce que tous les personnages sont des humains travaillés par leur bas instincts et leur vilénie. On en prend plein la gueule. Et puis...

Conan se réveille. Et c'est totalement réjouissant ! L'histoire le plonge directement dans le bain et on retrouve le Barbare dans toute sa force et son instinct. Sans rien révéler de plus, la suite de l'histoire est démentielle jusqu'à la fin. C'est sans doute le plus belle hommage que l'auteur pouvait rendre à ce personnage mythique et à son univers. Alors, oui, je le redis, c'est brutal, violent et sans concession, mais au milieu de ce parcours ensanglanté, reste la figure de Conan, le héros massif comme les montagnes rocheuses de Cimmérie, au corps taillé à la hache, qui survit et qui fera tous pour faire survivre l'innocence qu'il a perdu lui-même depuis bien longtemps. Le premier des héros et sans doute le plus humain d'entre tous parce qu'il a profondément conscience de sa nature. Gloire à Conan, le roi Cimmérien et à Laurent Mantese de lui avoir donné cette dernière aventure épique.

J'ai aimé ce livre unique d'un bout à l'autre. Jusqu'à sa superbe conclusion.

Coyot
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le 18 juin 2024

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