Critique de Shaynning
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Voici une histoire qui n'est pas pour les coeurs sensibles. Cette histoire est inspirée d'une peur collective réelle, soit la crainte de voir les machines chargées de déneiger les trottoirs et les voies publiques faucher les enfants qui se déplacent près des bancs de neige. Il faut comprendre que c'était une affaire quelque peu datée, puisque les bancs de neige du sud du Québec ne dépassent guère les 30 cm de nos jours, mais à l'époque où ils pouvaient atteindre le 1 m et plus, et que les enfants n'était plus visibles ou qu'ils pouvaient glisser des bancs de neige pour atterrir dans le chemin d'une déneigeuse, nous avions droit à toute sorte de mises en garde. Marcher sur les bords des bancs de neige était l'une d'elle. Nous devions toujours rester visibles à ces employés de la fonction publique qui s'attelaient à dégager les routes. Alors, pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela? Parce que ça vous donne une meilleure clé de compréhension pour le présent album.
Nous avons une souffleuse, une machine jaune qui broie la neige dans un mécanisme doté de dents circulaires et la souffle sur les terrains pour dégager la voie. Mais elle aun secret, une peur viscérale: Celle de broyer accidentellement un enfant imprudent. C'est que les enfants sont une source de tracas quotidien avec leur insouciance, leur dynamisme et leur témérité infantile. Avec ses mots, la souffleuse nous parle de cette anxiété continue, cette peur qui la poursuie même la nuit. Et quand, une journée, une enfant se coince une jambe dans la neige alors que son chauffeur lui fait poursuivre sa route droit sur elle, la souffleuse voit son cauchemar prendre forme.
Donc, ce n'est PAS un album pour les tout-petits, certains pourraient être apeurés. En revanche, je me réjouis d'avoir un album qui verse dans le côté "épouvante" pour mes plus vieux en librairie. Il y a d'ailleurs l'heure actuelle un réel engouement pour les histoires effrayantes ou sinistres chez les préados comme les ados, l'album s'insère donc dans une conjoncture sociale qui lui est favorable, je pense.
On peut articuler une réflexion sur la santé mentale, notamment en ce qui attrait à la peur et à l'anxiété. L'une est nourrie par l'autre. La peur est celle de faire du mal à un enfant, l'anxiété nourrie la croyance que ça va arriver. Il y a également la crainte de son état par rapport au mal potentiel qu'elle peut faire et cela pose la question de nos choix , de notre contrôle sur soi.
Enfin, c'est un l'album qui parle de l'envers d'une mise en garde. L'enfance et l'adolescence sont souvent teintés d'une forme d'insouciance, voir d'une certaine forme de témérité, car la perception du danger et le sentiment d'invincibilité font que plusieurs jeunes ne perçoivent pas ou négligent l'importance des mises en garde. Ils se ne se sentent pas concernés par la mort et les blessures, ils croient que ça ne peut pas leur arriver ou sont trop accaparés par le plaisir et leur énergie pour y songer. C'est normal, mais c'est aussi pour ces raisons qu'il faut en parler.
Le tout est servit à travers le graphisme dynamique et sobrement coloré d'Enzo, qui a clairement accélérer ses contrats d'illustrateurs ces dernières années - bonne chose pour lui, bonne chose pour nous!
Cet album me rappelle d'ailleurs "Les pins" de la maison Cambourakis, aussi glauque et sinistre que le présent album, que vous invite bien entendu à découvrir.
Pour les profs, il me semble que ce serait une belle ouverture pour une piste d'écriture à vocation psychosociale: Je leur ferais parler d'une peur ou d'une anticipation, les faire verbaliser leurs émotions à travers le prisme d'un objet, les faire introspecter. Leur faire aussi prendre conscience que l'écriture est un beau véhicule ( oh, le jeu de mot!) pour traiter et mieux comprendre ses propres émotions. Contrairement à la croyance populaire, les émotions comme l'introspection, ça s'apprend, ça s'apprivoise et ça évolue. Et c'est ainsi toute notre vie, mais chez les préados, c'est particulièrement important de savoir introspecter et comprendre le tout, en raison de tout le chambardement hormonal et psychologique qui vient avec leur stade de développement. Je serais très curieuse de voir quels réflexions pourraient s'en dégager.
Bref, un bel album québécois, qui a un éclairage nostalgique, sur un sujet plus profond que le sujet ne le laisse penser, avec un personnage-objet sensible.
Pour un lectorat intermédiaire du 2 et 3e cycles primaires, 8-12 ans+
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Créée
le 24 déc. 2024
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