Eh, eh, le scribouillard n'est pas celui qu'on croit !

Première et quatrième de couvertures obligent (et j'en profite ici pour m'insurger contre cette satanée habitude qu'ont certains éditeurs de dévoiler le dénouement du roman par une phrase lapidaire dès son résumé ; je revendique le droit au suspense, b***** !), le lecteur s’attend à découvrir la romance déraisonnable qui se noue entre le narrateur, tendrement appelé « Marito » en raison de ses 18 ans, et la belle Julia, sa tante par alliance, une Bolivienne de 33 ans fraîchement divorcée. Mais, en vérité, Vargas s’amuse à leurrer son lecteur dès le titre et donne ainsi le « la » de sa narration, à savoir une note humoristique continue et juste, au rythme entraînant sans pour autant tomber dans la cacophonie.

Bien qu’il s’agisse d’un roman autobiographique, le « scribouillard » n’est pas « Varguitas », bien qu’il s’essaie sans grand succès à l’écriture de nouvelles et travaille comme journaliste radiophonique en parallèle de ses peu passionnantes études de droit. Non, le scribouillard, c’est Pedro Camacho, le feuilletoniste vedette du Pérou qui aimante l’auditoire de Lima par son imagination géniale qu’il aura de plus en plus de difficulté à canaliser et à structurer. « Scribouillard » est le terme affectueusement péjoratif que Vargas choisit donc pour pointer du doigt le fait que malgré sa prolixité, Camacho, cet artiste qu’il admire et cherche à comprendre, n'a pas le statut d'écrivain. Lui-même rêve de le devenir (écrivain, pas feuilletoniste) et il ne vit que pour la littérature ; enfin, « ça, c’était avant » [dixit]. Car la tante Julia est entrée dans sa vie et l’amour avec elle. Emporté par les folles ambitions de la jeunesse, l’auteur s’attellera dès lors à abattre toutes les difficultés qui se dresseront sur le parcours de son couple : famille, mœurs, convenances sociales, moyens de subsistance, lois, etc.

Vingt chapitres. Dix consacrés à tante Julia, dix consacrés à Pedro Camacho et à ses productions littéraires. Parce qu’elle virevolte tel un pas de deux de danse péruvienne, l’alternance pourtant très équilibrée de ces chapitres aurait de quoi perturber le lecteur ou le lasser, l’abandonnant à bout de souffle au bord de la piste de danse, mais en ce qui me concerne, j’ai pris énormément de plaisir à savourer tout le piquant de l’humour « vargassien » et ce très bel hommage qu’il rend à l’imagination des écrivains, qu’ils soient feuilletonistes ou prix Nobel. Si les chapitres traitant de la romance avec tante Julia sont homogènes et suivent le fil rouge du développement de la relation amoureuse, ceux consacrés à Camacho sont en réalité dix nouvelles (pied-de-nez de Vargas, nouvelliste alors peu sûr de lui) très vivantes et qui ont pour principal intérêt de nous faire découvrir le Pérou des années 50' (et plus largement le monde latino-américain) sous bien des aspects. Un voyage ethnique et culturel totalement dépaysant pour moi qui ne lit encore que très peu de littérature sud-américaine.

Malgré les quelques rares imprécisions de la traduction (Gallimard, coll. Folio), je tire mon chapeau à Albert Bensoussan, traducteur attitré de Vargas Llosa, qui a su, j’en suis persuadée, rendre à la perfection le style très enlevé de l’auteur.
Gwen21
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le 18 févr. 2014

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Gwen21

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