La Tapisserie de Fionavar est le premier roman de Guy Gavriel Kay. Les amateurs de fantasy lui trouvent de nombreux défauts. Le premier est d'avoir mis en scène un monde très proche de celui de Tolkien. Je ne vais pas être de mauvaise foi : c'est vrai. Kay revisite dans cette oeuvre la Terre du Milieu, comme il revisitera dans ses romans ultérieurs la Byzance de Justinien, l'Espagne de la Reconquista ou l'Italie de la Renaissance. Il revisite, mais il ne copie pas : la cruauté de Fionavar est sans commune mesure avec celle du monde de Frodon and C°, et celle de Kay (vis à vis de ses personnages. Dans la vraie vie, il a l'air plutôt sympathique, le bougre) sans commune mesure avec celle de son Maître (mis à part dans les Enfants de Hurin, où celui-ci s'est déchaîné).


Or donc, cinq étudiants canadiens sans histoire (du moins en apparence) se trouvent transportés dans un monde de légende où ils trouveront leur destin (c'est le second défaut que l'on reproche à Kay : l'adaptation des gamins à Fionavar. Je ne la trouve pas si invraisemblable, moi. Pas invraisemblable du tout, même. Parce qu'ils ont bien des raisons de s'y adapter. Eh non, ils ne sont pas "sans histoire"). Un monde en guerre, évidemment. Un monde où les dieux ont soif, où le Mal est incarné, où la Lune brille trop fort et où le Roi se meurt. Un monde où la magie n'est pas, pour le meilleur et pour le pire, encore morte. Un monde où l'amour se mêle à la mort, et la haine à la rédemption.


Le monde de Diarmuid.


Je l'avoue : certains personnages ont le pouvoir de me transporter plus que de raison. C'est le cas de Corwin d'Ambre ou du Chevalier Kantz, dont j'ai déjà parlé dans de précédents posts. C'est aussi le cas de Diarmuid dan Ailell, prince du Brennin. Diarmuid, un personnage qui semble à l'opposé de Corwin et de Kantz, aussi jeune qu'ils sont matures, aussi léger qu'ils sont amers. Diarmuid, qui se présente désinvolte, hâbleur, ivrogne et débauché, et qui se révèle profond, intelligent, dévoué et fin stratège. Diarmuid, fils et frère blessé de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Diarmuid, ami fidèle et chef inflexible, camarade de guindaille que ses hommes suivraient - suivent - jusqu'en enfer. Diarmuid, personnage lumineux, solaire, touchant et drôle. Diarmuid, bouleversant dans son amour et dans son sacrifice.


"Tout ce qui est Or ne brille pas" disait Tolkien dans le poème d'Aragorn. Avec Diarmuid, l'or brille, éclairant une histoire sombre et triste d'un éclat, pour moi, inoubliable.

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le 7 mai 2018

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