Stiegler contre les mécréants : fight !
Je tâcherai de faire court. J'ai lu la première édition du bouquin. Je ne connais pas les ajouts/modifications/censures de la suivante.
Le livre se compose de deux parties bien distinctes, comme s'il fallait reprendre le schème de pensée antagoniste de ce philosophe des TIC. La première, très jargonnante, ronflante, laisse la désagréable impression d'un manque de synthèse, d'une envie de l'auteur de développer des concepts censés penser la complexité du monde mais qui à mesure qu'ils s'accumulent, réfléchissent de moins en moins la réalité, comme si cette pensée érudite fonctionnait en vase clos. C'est d'autant plus dommage que ses conclusions laissent le sentiment qu'il aurait pu en venir rapidement à de bonnes conclusions sans gloser autour de ses concepts pour les étirer au maximum.
Toutefois, cette impression est à nuancer par mon inculture de non-khâgneux et ma fâcheuse tendance à m'exaspérer/m'impatienter dès que j'ai l'impression qu'un auteur veut volontairement prendre de la hauteur sans que cela soit justifié. Hauteur qui donne ici une impression d'artificiel, d'emphase vaine.
Ça, c'est pour le Stiegler philosophe, celui qui doit gagner sa croûte à faire avancer la recherche. Vers la fin, après une très grosse moitié, il commence à tacler Ségolène Royale (proie facile) et devient tout d'un coup fort intéressant. Toute cette économie des pulsions dont il parle, il semble l'avoir déchargée pour de bon pour faire un programme de ce qu'il faudrait faire pour retrouver de la philia (en italique c'est mieux) dans la population. C'est à partir de là qu'on retrouve une connexion avec le réel, à base d'exemples qui font plaisir, sur la conception du travail par la jeunesse, sur les fonctionnaires... Comme il aurait été agréable d'avoir ce genre d'exemples dans la partie précédente... C'est un Stiegler optimiste, qu'on qualifierait presque de "naïf" s'il était dans les rangs du parti socialiste, qui ose croire à un changement de la société de marché en société de la transindividuation qui montre son visage. Et ça fait plaisir, même s'il aurait été également préférable de terminer l'essai sur une note nuancée et moins "yes, we can".
En somme, un manque de rythme et de concision dans une très grosse première partie, et une deuxième partie enthousiaste et dynamique mais un peu trop angélique pour un résultat global mitigé mais pertinent sur la relation des français à la vie politique, et a fortiori, à la vie en société ; ou le récit d'un idéal de la démocratie conditionné et avili par le pouvoir télécratique.