Difficile de traîter de ce livre de la tombe des lucioles une fois que l'adaptation en long-métrage d'animation de l'illustre studio Ghibli, et de son réalisateur Isao Takahata, a été digéré depuis bien longtemps. Sans parler bien sûr du poids que cela peut engendrer sur les pauvres épaules du lecteur qui ne serait peut-être pas préparé à un récit aussi chargé en émotions. Dans l'édition que je possède, une brève introduction, quoique assez complète, reprends la biographie de l'auteur et nous permet de mettre en perspective ses expériences de vie et sa carrière avec le travail accompli dans ce roman-ci. C'est une véritable mise en abîme que fait l'auteur au travers du récit de Seita et Setsuko, mirroir de ce que Nosaka, auteur de ce livre, et sa petite soeur de 4 ans, décédée à l'époque, ont vécus eux-même lorsque les bombes ont plu dans leur ville d'enfance. Dans la réalité, Nosaka à survécu, mais dans le roman, son jeune alter-ego, Seito, meurs dès l'introduction du récit, rejoignant ainsi son innoncente petite soeur et s'offrant par la même occasion un exutoire nécessaire pour définitivement faire son deuil et passer à autre chose.
L'auteur, habitué à un style littéraire qui évoque l'onanisme, ne mâchera pas ses mots. Il veut que les gens du peuples, les prolétaires, milieu duquel il provient, le comprenne, avec un langage cru et parfois grossier. La guerre c'est laid, ça pue la merde, c'est la décrépitude et tout ce qu'il y a de plus puant et de sordide. Mais cette vulgarité, pourtant contenue, sert à faire ressortir des moments de poésie très fugaces, où ces enfants s'amusent à recréer, non pas un foyer, mais bien un monde qui leur appartient, rien qu'à eux, sous ce moustiquaire qui contient toutes ces lucioles dont la vie est aussi évanescente que ces rares moments oniriques pour des enfants qui traversent l'enfer avant de connaître un sort fatidique. Les choix que fait le jeune protagoniste, pour lui comme pour sa soeur, ne seront jamais ceux qui les éloigneront de la faucheuse, mais après tout comment leur en vouloir, ils ne sont que des enfants. Et ce n'est pas l'endoctrinement politique, qu'aura subi au quotidien la population japonaise à leur insu, qui les nourrira et qui leur attirera la sympathie de leurs congénères. En ça, le courage de l'auteur est à saluer, à critiquer frontalement le régime politique de l'époque, non plus pour qu'il soit remis en question, mais bien pour lui cracher à la gueule, en réponse à ce qu'il a lui-même subi. Tout ça sous une forme presque de politesse formelle dont seuls les japonais ont le secret, au travers d'une oeuvre littéraire tout ce qu'il y a de plus noble, malgré ces quelques moments de vulgarité qui servent tout le propos de l'auteur.
Nonobstant ce qui a été dit précédement, si le fond du récit est aussi poignant qu'il est prenant, il faut dire que tout les évènements s'enchaînent très vite. Il n'y a jamais le temps pour le lecteur, ni pour les personnages de se poser quelques instants alors même que la narration fait des ellipses dans ce récit qui dure pourtant plus de 3 mois, mais dont la lecture se parcoure en un peu plus d'une heure. Certes, c'est aussi ça la guerre, le sentiment de panique et d'urgence qui est parfaitement retranscrit dans cette mise en page qui ne permet aucune respiration au lecteur, mais c'est aussi oublier ces quelques rares moments, pourtant suspendu dans le temps, où Seita se mets à chanter sous une rafale de munition des avions ennemis, où il se mets à imaginer la flote de son père rentrer dans ce fleuve qui borde la grotte dans lequel lui et sa soeur ont trouvé un abri de fortune. Tout ces moments de candeur, quelque part, l'auteur nous les interdit, ou nous les gâche à minima, à force de vouloir nous précipéter à aller à la suite.
C'est aussi ce qui me pousse à préférer l'adaptation animée de Takahata qui se concentre plus sur ces quelques passages hors du temps, et moins sur l'horreur de la guerre, en conservant les évènements horribles que vivront les héros, moins le style esthétique crasseux et contestataire de Nosaka. Mais, au regard de ce que j'ai dit précédemment, il n'est pas à considéré l'adaptation animée comme étant un remplacement de l'oeuvre originale mais plus comme un autre point de vue du même récit, qui offre non pas une relecture, mais bien un angle différent sur les évènements narrés de ce récit pathétique, mais pourtant si beau pour ceux qui savent capter la lueur des lucioles dans la pénombre d'une grotte.
Quoiqu'il en soit, lisez le livre, regardez le film ou faites les deux, mais considérez à consommer au plus vite cette histoire mélancholique d'un punk enragé à la poésie brutale mais touchante si cela n'est pas déjà fait.