Critique de La Trame par Charybde2
Trouver son pas, pour avancer et inventer un futur, contre vents instables et marées végétales : une formidable vague nomade à l’inventivité langagière enthousiasmante.Sur le blog Charybde 27 :
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le 20 mai 2023
Autant le dire d'emblée, ce roman ne m'a pas convaincu.
J'ai pourtant vu passer ici ou là (mais surtout là), des avis enthousiastes, notamment de la part de libraires toujours friands de notules pour accrocher le client.
Et ma foi, je suis dubitatif. Le roman fait fort penser à du Damasio et particulièrement à la La Horde du Contrevent. Le récit suit en effet une communauté de nomades se déplaçant au fil de marées végétales dont ils tirent leur subsistance, que ce soit en y glanant de la nourriture ou des plantes à fort potentiel marchand ou artisanal, tels des Amérindiens des plaines avec les bisons en somme.
Ces marées végétales sont intéressantes dans l'idée, mais le fait que l'on ne nous explique jamais comment elles sont arrivées, comment elles fonctionnent, quelles sont les plantes que l'on nous name drop, etc... fait un peu retomber le soufflé. Il faut les accepter tel quel, et on ne saura jamais comment le "monde d'avant" (qui semble fort ressembler au nôtre), a disparu.
La filiation avec Damasio passe donc par ce côté "nomades vs la nature" sur le fond, mais même dans la forme, il y a des éléments qui font penser au "maître" (parce que bon, on est chez la même maison d'édition, la Volte et je pense que ce n'est pas anodin) : une narration multiple, un goût pour l'invention verbale, un côté très (trop mais on va y venir) gôchiste.
Le récit commence vraiment de but en blanc, sans préambule et le lecteur est littéralement lancé en pleine marée végétale, à charge pour lui de se raccrocher aux branches (ha ha) pour comprendre ce qu'il se passe et qui fait quoi.
Les premières pages sont de fait très confusantes, puisqu'on ne sait pas qui sont les gens qu'on nous dépeint, ce qu'ils font là et pourquoi. Et c'est malheureusement une impression qui ne m'a pas tellement quitté.
Mais le vrai problème de ce roman à huit mains, c'est son côté gôchiste, précédemment évoqué. Et en cela, on retrouve encore la marque de Damasio, période Zone du dehors cette fois. En effet, nos nomades sont des anarchistes patentés, tendance libertaire néo-ruraux. Et ma foi, ça force le trait à un point...
le pire passage pour moi est celui où les nomades passent brièvement chez les sédentaires, qui vivent derrière d'épais remparts pour se protéger des marées végétales. Et là, c'est festival de philo nietschéenne accommodée sauce Zone du dehors, avec poncifs lénifiants sur "han les citadins sédentaires, c'est des petites merdes ramollis alors que nous autres, on est les vrais de vrais, on est vivant de ouf !" et "se fixer en un point, c'est renoncer à vivre", bref, pour des gens prônant l'émancipation et la liberté citoyenne, on n'est pas sur un projet global hein, on est plus occuper à se tresser des lauriers qu'à émanciper tout le monde. Les nomades se construisent fort dans l'opposition avec les "pas comme eux".
Bref, tout cela m'a agacé, tout comme Damasio m'avait agacé dans son premier roman avec à peu près les mêmes thématiques sur le mouvement, les révoltés vs les autres et autres clichetons gôchistes qui font pas avancer le schmilblick.
Et du coup, comme le message du livre ça a l'air d'être ça : vivre en accord avec ses principes (aka vivre en autonomie/ autogestion), c'est accepter des sacrifices et renoncer à une vie rangée et confortable, ben je trouve qu'on atteint vite les limites du concept, et si les auteur.ices s'essayent à des scènes graphiques et poétiques, ça ne suffit pas à rendre le tout suffisemment cohérent / convaincant.
Je vois très bien ce qui a emporté l'adhésion de certain.es, mais honnêtement pour moi, c'est too much. Ce roman ne parlera qu'à des terminally gôchistes déjà convaincus des propos développés dedans, mais je doute que ça aille au-delà.
Créée
le 5 août 2023
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