« La vengeance du pardon », quel titre puissant que cet oxymore qu’utilise Eric-Emmanuel SCHMITT pour nous livrer quatre nouvelles dont la qualité d’écriture est en parfaite adéquation avec le fond des sujets traités. Le pardon ! Le pardon qui interpelle, celui qui est impensable, inouï, inattendu ou malvenu. Des pardons qui suscitent beaucoup de questions. Le pardon peut-il être ce geste grandiose qui, par don, au-delà de ce qui s’est passé, est capable d’ouvrir un avenir ? Le pardon peut-il se montrer plus fort que la vengeance qui percole au plus profond des quotidiens de l’âme blessée ? Le pardon, s’il ouvre un avenir, est-il pour autant juste, judicieux, bienvenu, libérateur ? Le pardon vient sublimer la vengeance, transformer ce solide qui oppresse les cœurs en un état fluide, aussi léger, plus léger même que l’air au point de permettre aux êtres une inspiration nouvelle ?
Avec l’écriture symboliques, toute en nuances, porteuses de clins d’œil littéraire qu’on connaît chez lui, Eric-Emmanuel SCHMITT nous emporte dans une réflexion de foi, non religieuse, mais une réflexion à propos de la foi, de la confiance dont l’homme blessé peut se gratifier lui-même ou offrir, proposer à l’autre. Mais peut-il aller jusqu’à l’imposer ?

Loin d’être un livre sage, ‘bien-pensant’, vertueux, « La vengeance du pardon » n’est pas doctorale, elle n’impose rien. C’est une invitation au questionnement. Bien belle et nécessaire invitation.
Quelle est notre capacité de pardonner au-delà de la vengeance qui nous habite ? Quelle est notre volonté de chercher vengeance même quand un pardon a été dit du bout des lèvres, d’un coin de cœur ?
La première nouvelle, à travers le thème de la gémellité nous plonge au plus profond de nous. Nous sommes toujours notre propre gémeaux. Malheureusement, comme il n’y a pas assez de distance entre nos doubles, il n’y a guère de possibilité de nous questionner sur nous-même et de dialoguer avec nos contraires. Pourtant, avec ce silence renforcé, nous pensant toujours entier, nous percevons peu combien nos fissures les plus profondes font naître en nous ces personnages ces si proches en désaccord. A qui donnera-t-on le dernier mot à Lily ou à Moïsette ?
La deuxième aborde le rôle parental, celui de ces gens parfois trop prompts à endosser des responsabilités qui devraient être celles de leur enfant. Au nom de quoi ? Leurs propres irresponsabilités antérieures ou au nom de l’amour ?
La troisième, la plus poignante, met en scène la totalement improbable réaction d’une mère dont on a violenté et tué l’enfant. L’auteur y décrit, y fait vivre un comportement qui ne pourrait être le nôtre, c’est sûr … Quoi que… ? La tension du livre atteint là son paroxysme. On touche les sommets de ce qui, une fois la chute de la nouvelle tombée, ne nous permet pas d’en finir avec l’histoire. Il nous faut la reprendre et nous interroger sur ce que nous aurions fait, en pareille situation, si nous en avions eu le courage.
Enfin, en merveilleuse complicité avec Saint-Exupéry, son œuvre et sa vie, la dernière nous fait goûter aux douceurs du conte, aux parfums de roses des jardins, à la joie de la rencontre improbable d’un vieux et d’une gamine qui ‘jugeotte’ comme un Ange. On baigne dans la douceur jusqu’au moment où il faut que l’une parle vrai et tendre et que l’autre se taise, dur, et agisse. Quel pardon devons-nous y voir ? Pouvons-nous le faire nôtre ?
Quatre nouvelles, un merveilleux coffret de pensées à cultiver et de pardons à fréquenter en toute lucidité.

D'accord, il nous faut reconnaître que cet auteur ne fait rien de bien neuf dans ce recueil de nouvelles ... il a déjà commis tant de petits et grands chefs-d'oeuvre ! Mais quoi, faut-il pour autant reprocher à l'auteur sa féconde capacité d'analyse de l'être humain? Sa puissante capacité de lecture des mécanismes psychologiques et relationnels qui font qu'un être aimé est sublimé, physiquement modifié et que ses conditions de vie deviennent tout autre dès qu'il perçoit cet amour? Faut-il bouder son plaisir parce que Monsieur SCHMITT est rompu aux liens qui le rapprochent de ses lecteurs sans pour autant que ceux-ci s'identifie à lui? Non! Nous avons le bonheur de bénéficier d'un auteur capable de nous tendre une main pour un peu passer avec lui quelques bons moments de lecture et, si affinité, pour faire naître au jour un peu plus d'humanité en nous. Je ne boude pas le bonheur de suivre cet auteur. J'en sors toujours grandi.
Merci, Monsieur Eric-Emmanuel SCHMITT!

François_CONSTANT
10

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le 24 oct. 2017

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