Incontournable Octobre 2022
Membre de la fratrie Deuzio de la maison Alice, "La Venise du Neuf-Trois" est un roman intermédiaire magnifiquement illustré sur l'hypothétique histoire de David, qui aimerait, grâce à quelque coups de pinceaux et une motivation collective, donner des couleurs aux tristes murs d'une cité défavorisée.


Pour donner le contexte, surtout à mes concitoyens américains québecois,acadiens et des autres communautés francophones, la "Cité" Gagarine était un immeuble de HLM ( Habitations à Loyer modéré) dans la ville française d'Ivry-Sur-Seine, inauguré par le cosmonaute Youri Gagarine, en 1963. Elle fut démolie en 2020, et abritait 380 logements.


David est un habitant de la Cité Youri Gargarine. Ce jour-là, il décide de peinturer la balançoire du parc pour enfants, en lui donnant l'air d'une gondole. Féru d'architecture italienne et de sa culture artistique, David élabore un projet ambitieux: repeindre les murs tristes et ternes du premier niveau de chaque "barre" ( les divers bâtiments de la Cité), en commençant par la H. Grâce à sa mémoire photographique, il arrive à peindre des images de Venise à l'échelle et avec tous ses détails. Il n'a au départ qu'un pot de peinture rouge et un pinceau abîmé, mais une fois son "vaporetto" ( ces bateau-taxi qui sillonnent Venise) terminé, il reçoit de Monsieur Mahfouz, un des résidents du premier étage, des pots de peinture extérieure bleue, vert, jaune, blanc et noir. de quoi faire n'importe quelle nuance! Et des pinceaux neufs, en plus. S'ajouteront également des aides peintres, en la personne de Pierre et Yasmina, ses deux principaux aides. Parce que des aides, il y en aura d'autre, pleins d'autres. Certains seront impliqués dans le projet directement avec la peinture, mais d'autre s'impliqueront en alimentant les jeune peintres ou en faisant office de vigies. Certains commercent vont même ouvrir grâce à ces fresques de plus en plus nombreuses et, petit miracle, certains policiers mettront la mains à la pâte, n'en déplaisent à certains élus qui qualifie cet ouvrage colossal de "dégradation des biens publique". À travers ces petits miracles qui se succèdent, c'est tout une communauté qui se tisse et s'entraide.


*Attention- Divulgâche
Toute cette histoire grandement touchante, celle de la "Venise du Neuf-Trois", est en réalité le résultat de l'imagination de David. Elle n,a pas réellement eu lieu. Nous revenons donc au point de départ de L,histoire, avec David, son pinceau abîmé et son pot de peinture rouge, ainsi que sa balançoire en forme de gondole. Cette histoire aurait pu arriver et elle pourrait arriver avec un point de départ comme cette petite gondole. C'est donc un rare cas de roman "hypothétique", où ce que nous lisons sont en inspirés des souhaits et des aspirations du narrateur.


Dans les thèmes centraux, on retrouve bien sur la solidarité sociale, mais je pense que c'est l'espoir qui est au coeur de la démarche. Peindre du "beau" ( et quoi de plus beau que l'architecture italienne) dans une cité peuplée de gens pauvres, a quelque chose de "'juste" et porteur d'espoir. Ce sont les gens aisés qui d'ordinaire ont des maisons artistiques, accès à la beauté de la nature et aux oeuvres d'arts. À l'inverse, les gens pauvres ont souvent des appartements fonctionnels, mais dépersonnalisés et fades, loin des parcs et des arbres. Alors voir fleurir des images de la sublime Venise, des couleurs et de la joie, a quelque chose de réconfortant. le "beau" ne devrait pas être lié aux classes sociales, mais elle l'est bien souvent. On remarque d'ailleurs que des commerces ont ouvert juste pour la présence des peintures. Un sentiment de confiance semble en émaner, contrairement au béton. Mieux encore, les arts interpellent tout le monde, ce qui force certains acteurs extérieurs à poser un regard sur les habitants de la cité, par la même occasion. Les arts peuvent donc servir de pont social.


Les illustrations de ce roman intermédiaire sont vraiment superbes. J'ai trouvé intriguant que les contours soient traités comme les couleurs du fonds, c'est-à-dire avec des variations. Des contours rouges, verts, bleus,etc. Ça laisse une place en tant que couleur au noir. Je pense que les illustrations sont faites au crayon aquarelle, ces crayons qui ne laisse pas de marques quand on repasse dessus et ont un fini transparent comme l'aquarelle. La richesse des détails est évidente, les proportions des personnages assez bonnes, les oeuvres très réalistes.Certaines illustrations sont pleine pages et d'autres occupent des demi-pages. C'est merveilleux à regarder.


C'est donc un nouveau coup de cœur pour un des membres de la Deuzio des éditions Alice, où un garçon de 11 ans nous plonge dans son projet pictural de grand envergure, où les gens finissent par se retrouver, l'art Italien est à l'honneur et où les murs deviennent des ponts.


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.

Shaynning

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