Roderer, c’est le garçon brillant qui cherche le système métaphysique ultime ; il ne vieillit pas, il vit à peine, il cherche. Pendant ce temps, le narrateur grandit, voyage, ne trouve rien non plus. Ça se passe en Argentine, mettons entre 1975 et 1985. Pour peu qu’on s’intéresse aux héros en marge et en quête de savoir — Faust, bien sûr, mais aussi un Louis Lambert, voire un Ignatius Reilly —, on trouvera dans la Vérité sur Gustavo Roderer quelque chose à se mettre sous la dent.
Mais pour se hisser au niveau d’une nouvelle de Borges, influence revendiquée, et justifiée si l’on pense à des personnages comme Pierre Ménard ou Funes, que manque-t-il au texte de Guillermo Martínez ? De la brièveté, sans doute, car il y a beaucoup de superflu dans la structure de ce récit : une histoire d’amour, une histoire de service militaire qui n’apportent pas grand-chose et transforment la bonne nouvelle en roman quelconque.
Quant au narrateur, il est trop fiable, à des années-lumière de celui du Motif dans le tapis — récit auquel Martínez fait référence — ou de Bartleby le scribe — référence absolue quand on parle d’un récit de cent pages bâti autour d’un personnage mystérieux. Ça n’enrichit pas la Vérité sur Gustavo Roderer, qui se laisse lire sans déplaisir mais ne deviendra pas le classique qu’il aurait pu être appelé à devenir.