La vie est ailleurs est un roman d'apprentissage touchant et qui donne beaucoup de matière à réfléchir. La scène se déroule à Prague dans les années 40 et 50, et le lecteur y suit la vie de Jaromil, un jeune poète surprotégé par sa mère qui passe son enfance à écrire, et qui cherche déjà à imiter de grands poètes contemporains pour se montrer. C'est son adolescence qui deviendra chaotique : Jaromil entre dans une quête désespérée de devenir un homme et à trouver sa propre voie malgré son caractère introverti. Mais il ne supporte pas son visage chérubin, il veut devenir un homme viril, un vrai, comme son père décédé à la guerre. Et il préfère se mentir à lui-même et déformer sa pensée afin de se représenter sa vie sous une forme poétique et stimulante. Gavé de lectures, sans arrêt aveuglé par des parallèles douteux entre sa situation et des œuvres exaltantes, Jaromil est dans le mensonge permanent et se voile la face. Il pense être amoureux sa copine, qui elle est une fille simple mais finalement plus maligne que lui, alors qu’il ne désirait pas cette relation et qu’il a honte d’être à ses côtés. Il lui reproche son manque de romantisme et aimerait retrouver dans leur amour la flamme qu’il a imaginé en lisant de grands auteurs, mais semble être plus attaché à son image d’homme affirmé grâce à cette liaison qu’à la fille elle-même, et fait perdurer leur liaison faute de mieux. Il rêve de devenir un homme accompli et voit dans la mouvance révolutionnaire de l'époque un moyen de donner un sens épique à sa vie, et reconnait dans la montée du communisme une beauté nouvelle malgré des proches victimes du régime. La propagande a bien marché sur le petit, qui milite pour ce régime avec ardeur en reprenant des phrases toutes faites, poussé par les lectures d'auteurs révolutionnaires et par son envie de s’affirmer.
Finalement Jaromil est un être perdu qui se cherche et dont l’esprit malléable absorbe des idées extrémistes, absolues, qui n'acceptent aucune concession. Il veut vivre une aventure, avoir une existante exaltante, mais son visage d’enfant et de sa timidité l’en empêchent. Ses idéaux le pousseront à la catastrophe : il trahie son amie pour des "principes supérieurs" et à la dénonce à la police du régime. Il finira désavoué par ses pairs et seul, avant de mourir jeune, toujours auprès de sa mère.
La vie est ailleurs est une réflexion formidable sur le développement personnel et la recherche de modèles, particulièrement pendant l’adolescence où l’homme découvre la société et cherche à exister en son sein. Et malgré ses nombreux défauts, je me suis pris d’affection pour ce pauvre Jaromil dans lequel j’ai reconnu mon « moi » adolescent par moments.