Lorsqu'on s'inscrit en héritier d'œuvres comme Le Meilleur des Mondes et 1984, il faut pouvoir assumer. Alors placer l'action en l'an ...2084, c'est plutôt gonflé.
(On pourrait aussi citer un classique du JdR pour les amateurs : Mage l'Ascension, avec cette volonté d'explorer ce qu'est le consensus, comment les opinions, et surtout leur absence modèlent la réalité).
Ce qui est exceptionnel, c'est que Damasio s'en tire merveilleusement bien. Son univers recouvre une planète entière, mais il est étouffant comme un huis clos. Tout est logique, tout est cohérent, tout est froid. Et il nous prend, nous aspire, et on se retrouve là, à errer entre ses buildings en acier chromés. Souriez, vous êtes...quoi au fait ? Surement pas un saint. Ca tombe bien, les rebelles n'en sont pas non plus, loin de là. On ne se complait pas dans le leader beau, intelligent, aimé, et ce genre de bullshit.
Au contraire, les personnages sont profondément humains, et justifient pleinement l'engagement politique du romancier. Une ode à l'anarchisme, au communisme qui a le bon goût de mettre avantages et inconvénients dans la balance.
Loin de chercher à nous convaincre, le livre veut surtout nous faire réfléchir. Plutôt que de nous montrer une utopie, il nous pousse à regarder en nous. De quoi ai-je vraiment envie, putain ? Pourquoi suis-je...moi ?
Un livre déstabilisant, engagé, poussant à la réflexion et à l'introspection sans chercher à fournir des réponses pré-mâchées. Un chef d'œuvre, qui n'a pas à rougir de son illustre parenté.