Je n'avais jamais lu Régis Jauffret, et, après le calvaire qu'a été la lecture de son "Lacrimosa", je ne crois pas que je le relirai de si tôt. Car si effectuer un travail de deuil est chose courante dans la littérature, et si une indéniable émotion se dégage de l'évocation "post mortem" de l'être (mal) aimé, le mécanisme pervers de la mise en accusation de la littérature qu'actionne Jauffret est d'abord déroutant (la première "fausse" mort, délirante), puis embarrassant d'artificialité (la voix de la morte qui est l'auto-critique de l'écrivain), avant de devenir véritablement pénible. Terminer "Lacrimosa" est incroyablement fastidieux, car une fois qu'on a compris le petit jeu de Jauffret, il ne reste plus qu'à l'accompagner au long de son chemin de mortification, qui s'avère un véritable chemin de croix pour le lecteur. Ce qui est fondamentalement horrible avec ce genre de littérature, tellement "française" ("germano-pratine" ?), ce n'est pas seulement la tendance exténuante à l'auto-analyse et aux mécanismes conceptuels gratuits (après tout, Easton Ellis et Houellebecq, deux des plus grands écrivains actuels à mon avis, labourent le même sillon), c'est le peu de foi que Jauffret a lui-même en la littérature. Et qu'il en soit conscient est une preuve de plus à sa charge. Pour moi, un tel bouquin, à la complaisance et au nombrilisme écœurants, aussi brillamment écrit soit-il, ce n'est ni plus ni moins qu'un pur gâchis de papier et de temps. [Critique écrite en 2011]