En tant que roman inachevé de Stendhal, Lamiel constitue déjà une expérience de lecture en soi : style parfois expéditif, noms manquants, erreurs de l'auteur, toutes choses qui auraient sans doute été corrigées si Stendhal avait survécu à son oeuvre. Outre ce statut particulier d'oeuvre posthume, Lamiel est un roman franchement surprenant, qui aurait sans nul doute à mon sens connu un statut culte s'il avait été terminé.
Fille adoptée, Lamiel part du plus bas de la société, et gravit peu à peu les échelons, portée par ses admirateurs, ayant à coeur de l'éduquer dans l'espoir d'en faire une compagne présentable. Elle se prend très tôt de passion pour la lecture, et est engagée comme lectrice par la duchesse locale, fascinée par le tempérament de la jeune fille. Convoitée par un notaire amoral, puis par le fils de la duchesse, Lamiel est travaillée avant tout par la question de cette extase qui semble définitivement lui échapper. Qu'il s'agisse de l'amour, ou du plaisir en général, Lamiel constate ces sentiments dans ses romans et dans son entourage, mais n'est rongée que par l'ennui...
Roman d'une impertinence atypique, Lamiel met en scène un personnage désabusé et cynique, dénué de toutes inhibitions. Alors que tout le monde essaie de profiter d'elle, Lamiel ne prend que ce qui l'intéresse, et jette le reste. Femme libérée, mais surtout, héroïne maudite, éternellement insatisfaite. Empruntant au roman picaresque, se présentant presque comme un anti-roman d'éducation sentimentale, Lamiel est irrévérencieux et enlevé.
Un roman rafraichissant et très intéressant, malgré son caractère fragmenté.