Il y a des romans où la personnalité ou le parcours de son auteur sont totalement transparents. Latium est de ceux-là : de bout en bout, c'est un roman de prof de philo.
Nous sommes dans un futur (très) lointain, où l'Humanité disparue est remplacée par ses créations : intelligences artificielles devenues folles de l'absence de leurs maîtres, s'étant constituées un Empire stellaire, plus par désœuvrement que par réelle ambition. À partir d'un signal étrange qui vient sortir cette société sclérosée de sa léthargie mortifère, Latium suit, entre deux batailles stellaires, les luttes de pouvoir et de point de vue entre ces entités.
Sous forme de space-opera, le récit est surtout un prétexte à dérouler citations & références au monde intellectuel de l'Antiquité méditerranéenne : Platon, Aristote, Plutarque, Marc Aurèle... Les plus connus y passent, dans un mélange par moments stimulant, régulièrement rébarbatif (c'est que monsieur Lucazeau aime bien se répéter). En tout cas, le propos n'est pas une exploration sérieuse des possibilités et aboutissements de l'I.A. en tant qu'objet technique, tant ces êtres tiennent plus de l'elfe que de l'objet manufacturé, et leurs capacités de la magie que de procédés technologiques. Rarement la bonne vieille citation de Pratchett aura été aussi vraie !
Il est en tout cas intéressant de comparer Latium, qui semble parfois se forcer à empiler scènes de bataille spatiale (divertissantes) et confrontations discursives (parfois un peu trop maniérées), à La Nuit du faune, qui est bien plus honnête sur ses envies philosophiques en prenant la forme d'un récit de voyage imaginaire.
Dans l'ensemble, un bon moment : ça se lit plutôt bien, c'est divertissant, ça fait même réfléchir par moment. Il serait très facile de le dénigrer d'un simple « Dan Simmons à la française », tant la comparaison avec le dyptique Ilium & Olympos est évidente, mais il faut le prendre comme un compliment.