Juin 1940 - août 1944, la France et Paris vivent sous l’occupation allemande. Dans la capitale, les palaces parisiens sont réquisitionnés et parmi eux, le Ritz. Aux manettes du bar de l’hôtel se trouve Frank Meier, juif d’origine autrichienne, ancien poilu de 1914. Au fil des mois puis des années, Frank va devenir le témoin de l’Histoire tandis qu’à son comptoir viennent s’accouder hauts gradés SS et quelques vedettes du tout Paris comme Sacha Guitry, Arletty ou bien encore Coco Chanel. Frank va surtout se retrouver entraîné dans un trafic de faux papiers visant à faire évader des juifs de France, tandis qu’en amoureux transis, toutes ses inquiétudes vont vers Blanche Auzello, juive et épouse du directeur du Ritz, deux fois arrêtée par la Gestapo.
Ce livre est plein de promesses. Une époque trouble, la rencontre dans un lieu unique de forces antagonistes, des trahisons, des intrigues, des dangers... et pourtant, le lecteur ne se sent jamais totalement captivé par l’intrigue.
Le personnage de Frank Meier est assez peu attachant et on peine à le trouver intéressant malgré son histoire qui est racontée, pour partie, à travers son journal intime. Contrairement à d’autres, il n’est absolument pas un héros, mais seulement un homme qui avance au gré des événements. Ainsi, il ne choisit pas vraiment de se retrouver l’un des maillons du trafic de faux papiers ou d’être une « boite à lettres » pour les messages de ceux qui complotent pour assassiner Hitler. Il semble que les choses lui tombent un peu dessus parce qu’il est là, à une place assez stratégique, à la fois hyper-exposée et très discrète puisque pour beaucoup il n’est qu’un simple employé même s’il est le roi du cocktail.
Il donne alors plus l’impression d’être un bouchon de liège porté par le courant qu’un réel moteur des événements, subissant plutôt que choisissant l'action. Comme beaucoup durant cette période, Frank s’arrange aussi avec sa conscience et ajuste au gré de ce qui arrive. Ses actions ne paraissent donc pas traduire un réel engagement et cela même s'il peut arriver qu’il prenne quelques risques.
De la même manière ses amours impossibles avec Blanche Auzello et Inga Haag, totalement fantasmées de son côté, ne sont pas particulièrement intéressantes. Alors que le personnage de Blanche, dans son obstination à se détruire, est lui, plutôt touchant.
On se prend d’ailleurs à regretter que certains personnages ne soient pas plus exploités car on a l’impression qu’ils présentent plus d’aspérités que Frank. Blanche en fait partie mais aussi Hans Elmiger, le directeur suisse de l’hôtel, Carl-Heinrich von Stülpnagel et Hans Spiedel, deux des fomenteurs de l’attentat contre Hitler. On en vient assez vite à penser que les personnages que Frank côtoie sont finalement plus fascinants que lui.
Philippe Collin, qui nous régale avec ses podcasts et qui signe ici son premier roman, exprime toutefois avec assez de précision toute l’ambivalence d’un homme habitué à servir et à obéir. S’il a des opinions, il les conserve la plupart du temps pour lui, ce qui peut aussi concourir à le faire passer sous les radars de la Gestapo qui ne découvriront jamais ses origines juives. Il servira ainsi les Allemands avant de servir les Américains à la libération même s’il ressent plus d’attirance pour les seconds. Il fait en tous les cas partie de ces personnes aptes à louvoyer au milieu des embûches sans en subir les contrecoups, contrairement à la majorité des personnages qu’il aura vues dans son bar durant ces quatre années.