Philippe Collin prend à bras-le-corps la vie de Franck Meier pour nous la proposer à sa lumière. Et, cette vie, exceptionnelle, devient savoureuse tant l’historien journaliste aime recréer, en sept parties, l’ambiance de l’époque de l’entre-deux-guerres jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Le bar élégant du Ritz évolue sous nos yeux avec ses privilégiés, artistes, banquiers ou autres, qui côtoient les officiers nazis.
Philippe Collin renforce le suspense car Franck Meier est juif, émigré de l’empire austro-hongrois, ayant vécu à New York où il a appris son métier de barman. « Je suis le fils d’un double exil. Exilé de mon pays natal. Exilé de mon milieu social. » Oubliant la classe sociale d’où il vient, Franck Meier est connu et reconnu dans le Tout-Paris même si c’est, comme aime à le rappeler l’historien, dans un rôle de subalterne !
Roman de la Collaboration de luxe
Philippe Collin emmêle des extraits du journal du barman, plus axé sur La Belle Époque et ses réflexions intimes, avec le récit de l’occupation nazie vue du bar du Ritz. Cette mise en perspective fait du lecteur son confident. Et selon l’envie de Goebbels, le Ritz devient un bar mondain où artistes et nazis se fréquentent.
Le bandeau signale Le grand roman de l’occupation alors que c’est Le grand roman de la Collaboration ! Car, le Ritz choisit d’être une référence de luxe et de fêtes pour les dignitaires de l’armée d’occupation. Philippe Collin décrit un monde, insoupçonné des parisiens ordinaires, où le luxe coule à flots sous forme de parfums, boissons, plats de restaurant. Dans ce lieu, aucune restriction, aucune carte de rationnement !
Mais, ceci n’est rien par rapport aux différentes indiscrétions contenues dans ce roman historique. Le lecteur plonge au cœur des bassesses et des compromissions mais aussi des résistances de l’ombre. Par exemple. Göring était morphinomane, cocaïnomane et vidait des ballons d’eau chaude en journée en prenant des bains pour réduire les effets des drogues. Philippe Collin revient sur le rôle de Coco Chanel mais aussi, suit le parcours de Sacha Guitry, Arletty, assez peu Cocteau, Ernst Jünger, et évidemment tous les dignitaires nazis qui fréquentent l’hôtel de luxe et qui feront l’histoire de Paris sous l’Occupation.
Quelques longueurs et répétitions n’ôtent pas le plaisir de cette lecture. Car, à travers le personnage principal choisi par Philippe Collin, le récit est certes romanesque, mais avec une incursion réussie dans l’Histoire !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/05/12/philippe-collin-le-barman/