"Le Bouffon de la Couronne" est un titre très récent, tout juste sorti aux éditions Actusf, un indépendant de l'imaginaire qui compte à son actif quelques belles pépites (Royaume de vents et de colère, le Dieu dans l'ombre, La voix du feu, Meute, etc.)

Ici, le contexte est clairement médiéval. Mais ne vous y trompez pas : c'est un moyen-âge sombre, désillusionné, où la religion de la Tristesse règne avec oppression. Dans les faubourgs du château, nous faisons la rencontre d'un jeune prêtre du nom de Sébrain. Alors que rien ne le prédestine à devenir bouffon, sa vie bascule lors d'un banquet royal, où il se voit nommé de force bouffon.

Une nouvelle vie commence pour lui... Une vie marquée par les complots, les trahisons et les faux-semblants qu'affichent les favoris du roi. Au milieu de toute cette cour, Sébrain doit apprendre à survivre par le rire, car comme nous le rappelle la quatrième de couverture : "un bouffon qui ne fait pas rire est un bouffon en danger...".


Le ton est posé. Non, ce roman ne sera pas léger, ni badin et comique. Bien sûr, il comprendra quelques moments délicieux de légèretés ou d'actions potaches (nous avons affaire à un diablotin après tout...!), mais le cœur du récit est un questionnement passionnant sur la figure du fou, sur ce que ça implique de devoir faire rire à son corps défendant... Cet angle permet de donner un vent de fraîcheur au genre éculé de la fantasy médiévale, car tout ici est vu à travers le prisme de Tirelangue (l'identité de Sébrain en tant que bouffon). Les coulisses du pouvoir sont passionnantes à suivre, grâce notamment à un équilibre assez remarquable des différentes intrigues. Le récit avance à mesure que les personnages gagnent en profondeur et que l'univers se déploie dans toute sa complexité, le tout emporté par un stylé d'écriture riche, imagée, et très fluide.


Artistes, Éplorés, Fantoches, Inquisiteurs, Marionnettistes, autant de noms qui participent à créer un monde dense, cohérent et addictif, car toujours au service des personnages.

En ce sens, Sébrain est terriblement identifiant. On comprend ses erreurs, pardonne ses mauvais choix tout en serrant les dents quand le destin se montre dur envers lui.


La galerie de personnages secondaire n'est pas en reste. Que ce soit le roi Guillon, ambigu et mystérieux, Savyévane, l'Artiste effrontée ou encore la sublime Jeanny-la-Folle (à quand un livre centré sur ce personnage incroyable ?), ils élèvent le récit, challengent notre héros, le poussent dans ses derniers retranchements.


C'est une littérature de l'intime mais aussi de l'épique, un questionnement habile sur le pouvoir de l'Art et le contre-pouvoir du rire, incarné avec brio par ce bouffon, un héros qui vous fera oublier les chevaliers et autres mercenaires qu'on a trop tendance à voir dans ce genre de récit.


HANNIBAL-LECTEUR
9

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le 26 mars 2025

Critique lue 78 fois

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