Voici un roman, parce que c'en est un, qui a tout pour se transposer dans la réalité. Gaëlle Nohant nous livre un travail époustouflant sur la vie des camps de la seconde guerre mondiale, et notamment sur l'insoutenable élimination des juifs que ce soit à Varsovie, à Auschwitz, ou encore à Treblinka... Elle a réalisé un travail remarquable sur la mémoire en la glissant habilement dans un roman qui se lit avec une intensité digne d'un vrai suspense. Mais on sent bien que dessous couvent des histoires bien réelles sous des identités différentes. Au travers de ses personnages Léon, Karol, Allegra, Rudi, Agata, Lazar, Eva, et surtout Wita, on effleure ce que pouvait être l'horreur des camps et la souffrance de ces juifs qui n'avaient comme défaut que celui d'être juif. Irène, l'enquêtrice du bureau ITS (International Trading Service) se retrouve plongée sur les traces de plusieurs personnes disparues suite au programme d'extermination des Nazis pour rendre à leurs descendants une trace de leur passage, un souvenir, un témoignage, malgré les réticences et les craintes d'être désavouée. C'est ainsi qu'elle va rechercher à qui rendre ce petit Pierrot qui porte en lui un numéro de matricule, ou ce mouchoir composé de morceaux de tissus prélevés sur les vêtements des morts de Treblinka, ou encore ce médaillon qui contient des portraits inconnus...
Ce livre nous raconte les péripéties qu'Irène va vivre en Allemagne, en Pologne, et dans d'autres pays pour retrouver des inconnus qui attendent peut-être d'en savoir plus sur leurs ascendants. On la suit dans sa quête avec ses inquiétudes, ses doutes, ses espoirs, ses sourires... Mais aussi avec les drames qu'on découvre lentement au fil des pages, décrits avec une pudeur insupportable et un souci de la véracité qui émeut et déstabilise... Comme cet épisode de Treblinka à l'horreur absolue :
Keler a tendu la main pour le lui prendre, mais l'enfant s'y cramponnait. [...] Alors Keler a pris son pistolet et a tiré une balle dans la tête de la mère. Elle s'est effondrée sur elle-même. En tombant avec elle, la petite a lâché le pierrot. Le SS l'a ramassé avec un sourire.
Ce livre coup de poing fait du bien mais inquiète. Il nous rassure sur la détermination de certains d'entre nous prêts à tout pour apporter le réconfort et la vérité. Tandis que d'autres ne font que de se comporter en bourreaux, emplis de violence gratuite, et indignes de représenter l'espèce humaine. Nous en avons encore aujourd'hui, hélas, des preuves avec cette guerre en Ukraine...
Si vous avez le cœur bien accroché et une bonne dose d'optimisme, vous devez lire ce livre. C'est indispensable... D'autant qu'il est très bien écrit, avec une rare sensibilité et une justesse du choix des mots qui apaise et vous pousse à la réflexion.
Le temps que tu perds, c'est la vie de ceux qui attendent une réponse. Et cette vie est un fil fragile.
Lisez-le, vous ne le regretterez pas.