La première fois que j’ai été déçu en lisant du Thomas Vinau, c’était avec le Camp des autres. Ça commençait pourtant bien, cette histoire « de deux bestioles perdues. D’un enfant qui porte un chien blessé » (p. 18). Gaspard ne sait pas trop où il va, mais il sait ce qu’il fuit. Pas le lecteur. Mais il y a des pages incroyablement musicales (sons, rythmes, tonalités) sur la forêt, les animaux, les plantes, qui m’ont fait penser que j’adorerais le nature writing si tous ses pratiquants écrivaient comme ça : « Nid grouillant de cadavres et de nouveau-nés, de cycle de dévoration et de reproduction, de poils, de plumes, de peaux, d’os, de viande, d’humus, de glaise, d’argile, de temps, de nuit, de ciel. […] Lit sans fond et archaïque, berceau et tombeau, déesse mère du vivant, crâne fendu d’où s’est extrait [sic] terrifiée la bête aux rêves nus qui ne sait pas qui croire. La forêt. » (p. 47).
Puis le jeune héros rencontre un certain Jean-le-blanc, figure archétype du mentor forestier et bourru qui ne demande rien à ceux qui ne lui demandent rien. Petit à petit le style se relâche. Le propos se met à suivre un humanisme assez convenu qui rend presque déplacés, sinon inoffensifs des passages lyriques pourtant assez réussis en tant que tels : « Nous sommes les invisibles, le choléra, le nègre, l’ongle noir de Satan. Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les sauvages, les bouffeurs d’ombre, les récalcitrants. Nous sommes le vent qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de l’Empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l’outrage, la brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes sans lumière » (p. 116).
Pendant ce temps, le Camp des autres a lorgné de plus en plus en direction du roman à thèse, avec tout ce que le sous-genre peut avoir de démonstratif, c’est-à-dire d’ennuyeux. Historiquement, cette histoire de la « Caravane à Pépère » n’était pas inintéressante ; fallait-il en faire un personnage collectif d’un genre de fable ?
P. S. : Thomas Vinau, les Éditions Alma : deux raisons de devenir correcteur. Je développe ?