"la matière fécale peut aussi faire l'objet de rémunération, à hauteur de 40 dollars par échantillon aux Etats-Unis. Un donneur peut ainsi récupérer jusqu'à 13 000 dollars par an."

"S'il n'y a plus de croissance, le seul moyen pour les capitalistes individuels de croître devient le cannibalisme"

Cédric Durand, entretien par Laura Raim

hors-serie.net, 12 novembre 2016

(cité en exergue de la seconde partie)

Le livre dénonce les proclamations politiques mensongères qui nient la marchandisation du corps humain.

L'état maintient son apparence de contre-pouvoir fondé sur des valeurs humanistes, protégeant le peuple contre les excès de l'exploitation capitaliste.

L'institution de comités de bioéthique permet de crédibiliser le discours officiel de refus de la marchandisation du corps humain, simultanément à l'encadrement de cette marchandisation par les lois.

En France, les matières premières humaines sont données, et seuls sont négociables les produits transformés - considérant les coûts des process industriels qui fabriquent des médicaments et des objets de recherche médicale sur la base du sang, des cellules et des organes collectés par des institutions publiques.

"Les biobanques : extraction et valorisation des resources biologiques"

84 "la bioéconomie , telle qu'elle est définie par ses promoteurs, est "un monde dans lequel les biotechnologies contribuent à une part significative de la production économique"". Ces technologies sont fondées sur l'instrumentalisation du vivant que l'on retrouve avec les biocarburants, les vaccins ARN, les thérapies cellulaires ou les plantes transgéniques. Perçues comme le moteur de l'économie, elles permettraient de faire face aux bouleversements démographiques (vieillisement et croissance de la population), climatiques (muultiplication et généralisation des situations extrêmes) et environnementaux (dégradation de la biosphère, réduction drastique des ressources alimentaires)."

85 "Mais c'est au penseur de la décroissance Nicholas Georgescu-Roegen que l'on doit la formulation de la bioéconomie au milieu des années 1970. Pour lui, la croissance industrielle produit une augmentation inéluctable des ressources naturelles mobilisées. Ce qui n'est pas viable, dans la mesure où ces ressources n'existent pas en quantité infinie. D'autant plus que la croissance de la production engendre des quantités considérables et ingérables, de déchets. D'où la formule célèbre qu'il ne peut pas y avoir de croissance infinie dans un monde fini. Si bien que l'économiste roumain s'oppose à l'idéologie du progrès et "au mythe scientifique de l'innovation selon lequel les humains trouveront toujours de nouvelles sources d'énergie et de matière pour subsister". Il propose alors un "programme bioéconomique minimal" qui consiste notamment dans la réduction radicale de l'extraction et de de l'utilisation des ressources naturelles."

Mais pour l'OCDE et la commission européenne, "la bioéconomie est un moyen permettant de donner un coup de fouet à la croissance"; "un nouvel avatar du techno-solutionnisme"

Kant posait certains fondements de l'humanisme des Lumières avec le postulat moral selon lequel un humain ne pouvait être pris comme un moyen en vue d'une fin - à une époque où s'instaurerait bientôt violemment le salariat dans les usines. Mais les Lumières ont également systématisé la politique d'exploitation scientifique du monde - ou la politique scientifique d'exploitation du monde? - initiée par Francis Bacon et poursuivie par Condorcet (idéologie également formulée dans la pensée de Descartes).

137 "On retrouve ces principes au niveau européen, notamment au sein de la convention pour la protection des droits de l'homme, dont l'article 21 stipule que "le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit". Ce qui conduit à garantir "la dignité des donneurs vivants et des receveurs, et de leurs droits de l'homme".

180

"La marchandisation du corps nous fait perdre de vue deux éléments essentiels. Si effectivement les médicaments ou les recherches issues de cette marchandisation soignent et apaisent les douleurs, il ne faut pas négliger les causes. En se faisant au nom du solutionnisme technologique, l'instrumentalisation du corps évite de se poser la question de la responsabilité du capitalisme dans les maux que la médecine cherche à soigner. Le prix à payer réside donc en premier lieu dans l'illusion de l'inocuité du système. Ensuite, si effectivement l'Etat organise la mise en vente, cela ne signifie pas qu'il existe une opposition entre Etat et marché ou que les pouvoirs publics tentent de freiner le cours de la science. En croyant que l'état met des digues contre la marchandisation du corps, on s'illusionne sur son pouvoir et sur sa relation avec la capitalisme et la science. Il devient une sorte de fétiche auquel on attribue un pouvoir qu'il n'a pas. Le prix à payer se situe donc également dans l'illusion qui consiste à attendre de l'état une action contre le marché et le déferlement techno-scientifique ; ce serait comme attendre du fossoyeur qu'il ne creuse pas de tombes."

p.198 "Le fétichisme de l'Etat"

"L'Etat gouverné par des élus légitimement choisis grâce au suffrage universel porte la volonté du peuple souverain.

Une grande partie de la gauche adopte ce point de vue : elle est convaincue qu'il existe une sphère politique comme "la sphère du libre-arbitre, de la discussion et de la décision en commun". (...) "le marxisme du mouvement ouvrier et presque toute la gauche ont toujours misé sur l'Etat, parfois jusqu'au délire, en le prenant pour le contraire du capitalisme" (Ansel Jappe, "les aventures de la marchandise").

"L'état bourgeois s'attache d'abord et avant tout à faire tourner le système (...) (travail salarié, échange marchand propriété privée, concurrence, argent, rationalité instrumentale), quel que soit le groupe qui le dirige."

p.200

"Cette représentation externaliste de l'état renvoie à l'une des bases du capitalisme ; produire des fétiches. Marx appliquait ce terme aux marchandises. Ces fétiches correspondent à l'expérience quotidienne dans laquelle nous plonge le capitalisme. Les marchandises sont au coeur du système : ce sont elles qui sont désirées, elles sont le pivot de la société de consommation ; elles sont le résultat de la production et la face visible de l'exploitation. Quand nous tenons dans la main notre téléphone portable, nous détenons un concentré du capitalisme : destruction de l'environnement, exploitation de mineurs, conflits armés pour la maîtrise des terres, surveillance généralisée, propagande publicitaire, culte de l'immédiateté, entreprise massive de distraction." Mais nous ne voyons pas cela. Nous retenons le prix d'achat, le modèle, les fonctionnalités, etc."

201 "Il en va de même pour l'état. Il s'affiche comme un défenseur de l'intérêt général (...) on ne voit pas le long processus de dépossession de l'autonomie individuelle et collective qu'il a opéré, au service du développement capitaliste. Ce fétichisme de l'Etat est donc "cette croyance illusoire que l'état est une puissance qui pourrait faire autre chose que réunir les conditions de valorisation maximum du capital, y compris dans certaines situations historiques [...] par les moyens de certaines réforme sociales positives." (Tom Thomas, "Contre l'Etat")

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Partie I, note n° 119 "Je suis ici la recommendation de Silvia Federici : "il faut penser les enclosures comme un système plus large que la simple division de la terre par des clôtures. Il faut penser à l'enclosure du savoir, de nos corps et de notre rapport aux autres et à la nature" "Une Guerre mondiale contre les femmes"

note 120 "Karl Polanyi écrit ainsi "[La terre] donne la stabilité à l'homme ; elle est le lieu qu'il habite; elle est une condition de sa sécurité matérielle ; elle est le paysage et les saisons. Nous pourrions aussi bien imaginer l'homme venant au monde sans bras ni jambe que menant sa vie sans terre." "La Grande Transformation"

note 126 "Sylvie Martin rappelle bien que la conception moderne de la procréation repose sur "cette volonté d'obtenir et augmenter le contrôle du corps maternel et de ses processus, tant du point de vue physique que politique, économique et social". De manière générale, la GPA est dans le prolongement du'une conception du corps des femmes comme réceptacle de la semence masculine. Cela dit, notons qu'en Asie (Japon, Corée, Chine) les grossesses sous contrat sont une forme reconnue de procréation entre le XIVe et le XXe siècle. Voir Sylvie Martin "Le Désenfantement du monde" page 64, Yoshine Yanagihara, "Les servantes écarlates en Asie". La pratique ancestrale des "grossesses sous contrat" in Ana-Luana Stoicea-Deram et Marie-Josèpje Devillers, Ventres à louer, L'échappée 2022. Alexandra Clément-Saby "Nouvel avatar des mythes patriarcaux de la procréation" ibid".

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le 12 juil. 2024

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