Dramaturge et romancier, mais avant tout poète, Georges Rodenbach est un auteur belge attachant et dont la prose agit tel un charme sur les lecteurs sentimentaux dont je suis. Personnellement, il m'est impossible de le lire sans penser à mon cher Zola même si le verbe est moins rude ; c'est la lutte du symbolisme et du naturalisme qui aboutit dans les deux courants à une narration très descriptive et tout empreinte d'émotions. Mais si chez Zola l'homme est au cœur du récit, avec Rodenbach, c'est la ville de Bruges qui tient le haut de l'affiche. Déjà, avec "Bruges-la-morte", j'en avais fait la délicieuse expérience, elle se renouvelle ici avec "Le carillonneur".
Joris Borluut remporte le concours de carillon de Bruges et installe ses quartiers dans le beffroi. Là, "au-dessus de la vie", il est libre d'exprimer par sa musique et le tintement des nombreuses cloches qui composent son carillon, ses rêves et ses espoirs. Son premier rêve, capital, est sans doute de voir sa bonne et belle ville de Bruges rayonner sur les Flandres dans un règne hégémonique incontesté et éternel. Joyau d'art, de mysticisme et d'humanisme, Bruges mérite tout ce qu'il y a de mieux selon lui et ses amis. Mais les projets les plus audacieux sont souvent sapés par les prosaïsmes de l'existence qui nous en éloignent pour un temps indéfini. Ainsi en va-t-il pour Joris dont les amours contradictoires et contrariées déchirent le cœur et le corps entre deux sœurs aux tempéraments diamétralement opposés.
"Le carillonneur" se divise en trois parties très distinctes dont seules les deux premières m'ont vraiment intéressée, d'où une lecture qui, quoique plaisante, s'est un peu étirée jusqu'à l'ennui dans son dernier tiers. Mon sentiment est aussi qu'il faut peut-être être belge et/ou flamand pour pleinement s'approprier ce roman et l'apprécier dans tous ses intimes développements.