Incontournable Décembre 2022




Je me faisais la réflexion que j'ai rarement des représentant de la littérature canadienne à travers la littérature jeunesse qui se vend au Québec, bien davantage européenne et États-Unienne. Je découvre une autrice avec du talent, capable de nous sortir des conventions et de malmener des stéréotypes, tout en offrant quelque chose de passionnant.




Julian, Noa et Maïta Marchena sont prince et princesses de Floréan et le temps d'un coup d'États , perdent à la fois leur mère et leur pays. Contraints de fuir, ils trouvent refuge sur une île qu'ils dotent de la capacité de se déplacer, Astrae. Durant les deux années suivantes, ils se trouvent des alliés et poursuivent leur lutte contre le dictateur, Xavier. Julian, l'aîné, à maintenant 18 ans et même s'il est un "mage Noir", c'est-à-dire un magicien qui sait parler les neuf chants connus du langage magique, a aussi tendance à être déraisonnable, peu pratique et un peu excentrique. C'est sa cadette, Noa , qui doit tempérer son manque d,organisation et élaborer des stratégies. Cartésienne et dotée d'un pragmatisme qui fait défaut à son génial grand frère, Noa ne possède aucun chant. Quand les sbires de Xavier tente une fois encore de prendre Astrae, les enfants Marchena découvre que le tyran fait ce qu'il peut pour sortir la magie de Floréan et élimine les mages noirs méthodiquement. Pire, il aura découvert deux emplacements où se trouveraient deux Chants perdus. Les Marchena s'engagent alors à trouver ces chants avant lui, mais Noa reste sur ses gardes. C'est que Julian s'est assombrit avec le temps, non pas en raison de sa magie noire, mais bien en raison de la guerre, qui lui fait cumuler les mises à mort. Il ne faudrait pas que l'un de ces chants ne le fasse davantage ressembler au Sombre Seigneur que la propagande de Xavier s'efforce de vendre aux habitants de Floréan.




Un univers relativement petit bien construit vaut mieux qu'un large monde trop peu détaillé. Nous sommes pratiquement toujours sur l'île mouvante d'Astrae, mais comme elle fait office de bâtiment de guerre, de maison et de bateau, il s'y passe beaucoup de chose. Sur ses plages, il y aura des batailles , mais aussi des négociations avec Beauté, la gigantesque serpent de mer millénaire aussi élégante qu'implacable ( et grande amatrice des gâteaux au citron vert de Tomas, le fils du pâtissier). Dans son château juché au sommet de l'île, il y aura des tensions politiques et des conversations de famille pas toujours simples - et des fantômes pas commodes. Et dans les 13 mers se cache deux îles inversées qui cachent deux Chants qu'on a préféré cacher en raison de leur Nature.



Attention, divulgâches.



Le premier est un Chant lié au monde des morts et permet de se déplacer sous les ombres, un peu à la manière de terriers. La distance est compressée et permet donc aux magiciens maitrisant le Frisson ne parcourir le monde rapidement. le second Chant est lié à la Peur. J'aime beaucoup ces "Chants", qui sont des langues avec de drôles de sons qui varie selon la nature de celui-ci. Julian, qui en chante neuf, a d'ailleurs une très grande créativité en la matière, jouant avec eux et les combinant pour élaborer de sortilèges dévastateurs ou alors complètement inutiles, mais tape-à-l'oeil. On dirait de la chimie langagière.




Julian est un personnage très intéressant. À la fois princier et mage noir, il navigue entre deux facettes, à la manière des Gémeaux. Une part de lui est très puérile, artistique et fantasque, portée sur la famille et sur la beauté de la magie. Cette même facette le mène souvent à banaliser certaines choses importantes - comme le danger que peut représenter Beauté par exemple- mais constitue en même une force d'ouverture d'esprit. Son autre facette est plus froide, implacable, voir cruelle. C'est cette facette qui prend plaisir à tuer ses ennemis. Julian est également charismatique et plait autant aux femmes qu'aux hommes, en témoignent ses amours passés. C'est un Chef d'État et un Chef de Guerre, qui a des responsabilités imposées et qui doit prendre les décisions difficiles. Clairement, sa nature profonde et son tempérament font de lui un excellent mage, mais un prince un peu maladroit. Heureusement qu'il peut compter sur Noa.




Noa, donc. C'est la cadette qui tente de faire valoir son importance, surtout auprès de son déraisonnable aîné. Elle est méthodique, réflexive et terre-à-terre. Malheureusement, elle n'a que 11 ans et a souvent l'impression de ne pas être prise avec le sérieux qu'elle mérite. Son frère a clairement du mal à trouver l'équilibre entre sa vision de grand frère et celle du Chef D'État et de Guerre. Il se veut protecteur, mais il empêche en même temps sa soeur de prendre part au défis qui est le leur. Noa dispose de pleins d'astuce et de courage, pourtant.




Maïta a 8 ans, adore tout ce qui grouille et vit, surtout les créatures qui ont une réputation moins flatteuse. Elle est un peu solitaire, mais en sent qu'elle cherche sa place dans le trio, entre un frère doué en magie et une soeur doué en stratégie. "Mite" admire ses aînés, mais est effacée trop souvent. C'est un personnage qui gagne à être connue.




La famille est au coeur de cette histoire. Il n'est pas aisé pour deux ados et une enfant de manoeuvrer une reprise du pouvoir, mais il est surtout difficile de distinguer leur rôle politique de leur rôle fraternel. J'apprécie que nous ayons ce genre de sujet relationnel comme angle principal, plutôt que d'opter pour une sempiternelle romance conjugale, par exemple. C'était tout de même amusant de voir tout l'intérêt sentimental des personnages secondaires et tertiaires pour Julian, qui semble fasciner beaucoup de gens, gars et filles. On insiste souvent sur la beauté des princesses, mais ici, on est captivé par l'ensemble de la personne de Julian, autant son physique avantageux que sa personnalité colorée. La famille Marchena illustre aussi comment une situation grave et sérieuse fait vieillir prématurément les enfants et les ados, qui se retrouvent à gérer des enjeux d'adultes.




J'aime que la "Magie noire" ne soit pas ténébreuse. Elle représente la polyvalence dans le monde des Marchena, sorte de douance magique. L'autrice prend aussi le temps de distinguer ce qui fait d'une magie une "Magie malveillance", soit une magie employée avec une intention malveillante ou destinée à causer du tort. Un parallèle que nous pouvons faire avec n'importe quel outil, comme l'énergie nucléaire, les armes à feu ou les couteaux. Ce n'est pas l'outil le problème, c'est le fait que des gens mal intentionnés et malveillants s'en servent pour causer des préjudices aux autres. Il peut même arriver que des gens bien intentionnés emploie la magie à des fins obscures. Julian était sur la limite, d'ailleurs, d'où les inquiétudes de Noa à son sujet.




Les répliques sont drôles, bien souvent, et je remarque quelques petits passages qui témoignent de l'âge relativement bas des personnages, vulnérables et immatures. le récit est fluide, l'action et le calme se côtoient bien, on nous donne suffisamment de détails pour imaginer les lieux et les types de magie. Un bel univers pour initier les plus jeunes à la Haute Fantasy.



Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.

Shaynning

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