Frankie McGrath est une jeune élève infirmière qui décide un jour de suivre les pas de son frère, engagé au Vietnam. Faisant fi de sa destinée de mère épouse dans une confortable maison californienne, elle part elle aussi au Vietnam, contre le gré de ses parents, afin d'officier en tant qu'infirmière dans un hôpital militaire.
L'apprentissage va être rapide, brutal et traumatisant. Frankie débarque en plein cœur d'un conflit sanglant, long, dans des conditions climatiques et psychologiques terribles. La première partie du roman est la plus captivante ; on suit cette jeune femme encore naïve, qui ne connait rien à la vie, tant sur le plan sentimental, que professionnel mais aussi social.
Le chant des oubliées est un roman d'apprentissage... mais en version accélérée et brutal pour notre héroïne. Elle apprend son métier, se fait des amis, encaisse les premiers chocs de la vie, doit gérer ses émotions et ses premières relations avec des hommes qui ont souvent laissé derrière eux une femme au pays (voir des enfants).
Elle découvre aussi la vérité sur cette guerre, les mensonges ou omissions d’État, les actes horribles perpétrés par les États-Unis (et donc pas seulement par les "Vietcongs"), elle doit faire face au deuil et à la fatigue d'une vie toujours sous tension.
La question est alors comment se relever de tout ça une fois rentrée ? La réponse devient encore plus difficile à donner quand le retour au pays ne se déroule pas comme on l'espérait. Car Frankie doit rentrer sous les crachats de la foule qui commence à s'insurger que le gouvernement s'entête dans une guerre inutile et s'en prend à toute personne revenant du Vietnam la désignant comme tout aussi responsable des exactions commises là-bas.
Elle doit aussi faire face au silence de ses proches, au mensonge de son père qui a fait croire à tout le voisinage qu'elle était partie en voyage à Florence. Elle comprend qu'elle seule pour gérer tout cela car "il n'y avait pas de femmes au Vietnam", on refuse de l'écouter, de la considérer comme un vétéran. Et puis les chocs post traumatique, la dépendance à l'alcool et aux médicaments...
Le roman de Kristin Hannah met en exergue toutes ces problématiques au long d'un roman feuilleton très cinématographique dans son déroulé et la quasi mise en scène de ces épisodes.
C'est aussi donner une visibilité et une parole aux femmes de cette époque, brimées et mises de côté dans un silence terrifiant. Raconter les doutes, les sentiments d'une femme dans une société qui commence à se libéraliser, se libérer, parler de sujets comme l'avortement, le sexe hors mariage, la condition féminine.
Un roman à la fois fascinant par son côté page turner mais aussi pour ce que l'on apprend sur un conflit et surtout une facette de ce conflit longtemps oubliée.