Conor, le narrateur, rend visite à son vieux père, photographe à la retraite, qui occupe maintenant son temps à la pêche à la mouche.
Les relations entre les deux hommes semblent difficiles, et l'antipathie du fils pour ce vieil homme un peu acariâtre, mais non sans charme, se révèle au fur et à mesure des pages.
D'où vient cette aversion aux limites de la haine et qui n'arrive pourtant jamais à se montrer au grand jour?
C'est ce que l'on découvre au gré des souvenirs de Conor, que l'on feuillette tel un album photos. Des images couleur sépia, un peu craquelées et ternies par l'âge, mais qui reprennent vie sous la plume à la fois sensuelle et pudique de l'auteur.
On va alors revivre l'amour aussi irrationnel que passionné d'un homme et d'une femme qui ne se comprendront finalement jamais. Amour magique, qui se consumera pourtant dans un incendie de souffrance, et dont les cendres ne semblent pouvoir s'envoler, trop lourdes d'amertume.
Autant le dire, McCann n'est pas un auteur des plus accessibles. Ces personnages d'une apparente banalité, restent en fin du compte impénétrables. Dès qu'on croit les avoir saisis ils nous échappent.
D'où ce mélange, à leur égard, de tendresse et d'aversion, de compassion et d'indifférence.
Mais, si l'on sait se montrer patient, attentif, alors l'auteur nous dévoilera, au détour de quelques mots presque invisibles, l'intimité de ces personnages torturés, qui nous apparaîtront soudain d'une profondeur volcanique. Et l'on sentira alors un feu étrange nous brûler de l'intérieur, sans que l'on arrive bien à comprendre pourquoi.
Car McCann ne donne pas de réponse, jamais. Mais il sait donner une telle épaisseur aux questions que celles-ci deviennent des réponses en elles-mêmes.
Dans sa plume, c'est l'absence de compromis au milieu des compromis des personnages. C'est la vérité au milieu des non-dits des dialogues.