Ce roman, qui est paru en 1986 dans sa version originale anglaise, aura inspiré le film "Le château ambulant" d'Hayao Miyazaki en 2004 et sera édité une seconde fois en français, en 2020.
Nous sommes dans le pays d'Ingarie, dans le bucolique village de Marché-En-Copeaux, où vit la famille de Sophie. Aînée de trois filles désormais orphelines de père, il faut à présent décider au mieux des dispositions à prendre quand à leur avenir. Fanny, leur mère, envoie donc ses deux cadettes se former à la magie et à un métier, gardant son ainée pour leur commerce de chapeaux familial. Il est de coutume que l'aîné ne soit pas prédestiné au succès, c'est pourquoi devenir chapelière dans le commerce familial est donc tout à fait convenable. Néanmoins, même dotée d'un talent certain pour la confection de couvre-chefs et vaillante travailleuse, Sophie s'ennuie. Les choses changent pour la jeune femme quand la Sorcière des steppes, reconnue pour sa méchanceté, lui jette un sort pour la punir d'une chose qu'elle n'a même pas faite. Spoliée de sa jeunesse, Sophie fuit la maison et se retrouve à la portée du château ambulant d'un magicien excentrique et de mauvaise réputation dénommé "Hurle". Si elle est quelque peu inquiétée du personnage, il n'en demeure pas moins que Hurle, en sa qualité de mage, pourrait lever le sort qui l'afflige. Épuisée, elle entre donc dans cet étrange château moche qui crache de la fumée noire par ses nombreuses cheminée. Elle y fera la connaissance de Calcifer, démon du feu, prisonnier de la cheminée et de Hurle par un mystérieux contrat, dont les termes mêmes sont secrets, ainsi que Michael, apprenti officieux néanmoins travaillant de Hurle. Sophie se verra confier par Calcifer la tâche de le libérer de son contrat et pour mener cette tâche à bien, devra se trouver une bonne raison de rester dans ce château mobile.
Ce roman m'aura évoqué l'univers magique du "Magicien d'Oz", celui de "Passe-Miroir" et le singulier personnage d'Hurle m'aura fait penser au célèbre Dorian Grey, avec sa lubie sur la beauté juvénile et son côté "dandy charmeur". C'est un univers où la magie occupe beaucoup de place, mais qui semble en quelque part lié au nôtre. On y trouvera, bien sur, le château ambulant qui lui est désormais emblématique, mais aussi des sortilèges beaucoup plus complexes qu'une simple formule, des distorsions spatiales et une panoplie d'objets magiques. Les frontières entre l'inerte et le dynamique sont par conséquent malléables.
Ce n'est pas un univers particulièrement vaste, l'essentiel de l'action se déroulant dans le château et les ramifications conséquentes à la porte qui s'ouvre sur quatre lieux différents. C'est cependant un univers foisonnant de détails et d'éléments intrigants et peuplés de personnages colorés. J'ai beaucoup aimé la vigueur, la jugeote et le dynamisme des personnages féminins.
Sophie est opiniâtre, volubile, têtue, gaffeuse et a l'art de faire exactement ce qu'il ne faut pas, même bien intentionnée. Elle a un sacré mauvais karma, d'une certaine manière. Le fait qu'elle soit une jeune femme dans un corps vieilli change aussi la perspective qu'elle a du monde, ce qui est en soi rafraichissant. Et si elle a la plupart des qualités que l'on prêche chez la "jeune fille comme il faut" typique, comme le travail manuel d'aiguille, les habilités aux tâches ménagères et la gentillesse, il est amusant de constater que tout cela énerve prodigieusement Hurle et son hétéroclite maisonnée . La "normalité" de Sophie n'a pas sa place dans cet endroit hautement magique et incongru et est même source de quelques catastrophes.
J'ai beaucoup aimé le flamboyant et caractériel Calcifer, étrangement attendrissant, qui se donne des airs de durs parce qu'il est un démon, mais qui a plutôt le côté enfantin d'un feu follet.
Parmi les personnages secondaires, l'épouvantail m'aura marqué. Non seulement est-il l'indice qui permet de deviner un talent particulier chez Sophie, mais également ce pauvre personnage est tragiquement rejeté et malmené sans logique apparente de la part de sa propre créatrice! Contrairement à Sophie, je l'ai trouvé tout de suite sympathique ce vaillant personnage à tête de navet.
Le seul petit point faible que j'aurais à formuler réside dans la fluidité de la narration. J'ai l'impression que quelques détails de circonstance de plus n'aurait pas été de trop et certaines choses arrivaient sans plus d'explications, dont il faudra les attendre un peu plus loin. Je donne l'exemple du mucus vert, dont on sait qu'il est relié à Hurle et ses bouderies, mais dont on ignore la "source" exacte ou le "pourquoi" de ce phénomène. Ça arrive, c'est tout.
Il y a un dernier point que j'ai beaucoup apprécié: le fait que les personnages développent une étroite complicité, comme une famille dépareillée. Sans même user d'adjectifs, l'autrice arrive à nous illustrer le chemin parcouru de cette bande d’hurluberlus en terme de relation interpersonnelle, et merci à elle, on ne parle pas de romance - ça nous fait des vacances du thème le plus redondant en matière de relation!.
Globalement, c'est un très bon roman jeunesse, dont la force est sans conteste sa grande créativité. Les amateurs de "Narnia", "À la croisée des mondes", "Harry Potter" ou "Passe-Miroir" devraient apprécier. Son lectorat cible se situe aux alentours de 10-11 ans en montant.
Pour les profs: ce roman ne contient pas de scènes violentes ou de sujets sensibles.
Cette version contient également des images au début des chapitres.