Pour en savoir plus sur l'auteure :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-vie-une-oeuvre/christa-wolf-1929-2011-5394161
Ce roman a un arrière plan humain exceptionnel due à l'expérience de l'auteure dans une usine de construction de wagons en RDA où elle animait un atelier d'écriture. Les ouvriers ont témoigné : " nous retrouvons un tableau authentique de la vie dans notre entreprise".
Republié en 2011, ce roman était introuvable en France pendant 50 ans. La préface des deux traducteurs est éclairante sur les différentes étapes de l'écriture d'un livre qui a connu un succès considérable en Allemagne, et traduit en 19 langues. A 33 ans, l'auteur acquière une grande notoriété (est née en 1929, décédée en 2011).
Dès le prologue, j'ai été happée par sa description de la ville, de la pollution (air et eau), de l'humeur des gens (fébriles) et par l'espérance, malgré tout. Tout est mêlé, les êtres et l'environnement. La Terre a ses saisons, comme l'industrie les siennes.
Rita la jeune fille, et Manfred son amoureux ingénieur, dix ans plus âgé (happé par sa première question " Est-ce difficile de devenir comme vous êtes ?") sont pris dans une relation qui ira jusqu'à son terme car ils ne se mentent pas à eux-mêmes. En deux ans, elle deviendra adulte. En étant toujours à l'écoute, attentive à son compagnon, à ses collègues dans l'entreprise.
Manfred aussi évolue : sa carapace se fendille. Pour Rita, c'est une initiation à la vie, ses questions sont toujours existentielles. Pour Manfred, c'est une déconstruction de son indifférence qui le protège de sa famille mortifère et lui permet de progresser dans sa carrière. La finesse d'analyse de l'auteure s'accomplit dans cette évolution conjointe.
Le récit s'étale pendant la convalescence de Rita qui reprend goût à la vie après un rêve.
Rita revisite sa relation en toute honnêteté, en doutant, avec son expérience acquise.
Mais cela va bien au-delà d'une histoire d'amour : qu'est-ce qu'une existence ?
Peut-on rompre avec son passé ?
Les relations hiérarchiques, de pouvoir des petits chefs dans l'usine, une soirée avec les collègues professeurs de Manfred, et l'idéologie sous-jacente qui divise leur ciel : tout cela est parfaitement, humainement décrit : on ressent les déchirements dans leurs moindres détails et c'est ce qui fait la force de ce roman.
Quant à la construction des murs , ils sont toujours d'actualité ...