Starfix 91.
Dans les années 80, Starfix était un magazine de cinéma consacré au cinéma de genre, notamment aux films de science-fiction et d'horreur. Il s'intéressait aussi bien aux productions hollywoodiennes...
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le 28 févr. 2017
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_J'apprends dans l'émission de France Inter sur le cinéma la sortie de ce livre sur une revue de passionnés que je volais à mon frère sans rien en comprendre et dont j'ai récupéré son stock.
émission de France Inter https://www.franceinter.fr/emissions/on-aura-tout-vu/on-aura-tout-vu-01-octobre-2016
_Articles déjà existant sur le web:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Starfix
http://www.revues-de-cinema.net/Hist_revue/FRA_19007_Starfix_FRA.php
http://www.technikart.com/starfix-1983-1990/ texte de par Benoît Sabatier (01/01/2001)
http://rue89.nouvelobs.com/blog/bad-taste/2015/04/20/itineraire-dune-fille-de-starfix-une-cinephilie-pre-internet-et-pre-geek-234489 texte d'Antoine Katerji
(et le blog d'Hélène Merrick
http://helenemerrickparelle-meme.blog50.com/archive/2014/09/11/la-fille-de-starfix.html )
Article de Technikart 13 février 2009 (Paru dans Technikart n° 53) par Benoît Sabatier
"STARFIX (1983-1990)
Dans les années 80, la critique de cinéma n’en finit plus de vénérer Godard et consorts. En créant « STARFIX », Christophe Gans a anobli le cinéma de genre et rendu ringarde la grille de lecture post-nouvelle vague. L’aventure du pacte des nouveaux cinéphiles.
Vous êtes passionnés de cinéma, vous grandissez dans les années 70. Quels tuteurs pouvez-vous adopter ? Quels guides spirituels, gourous journalistes, chroniqueurs éclairés, sauront assouvir votre fièvre de révélations sur le septième art, vous orienter vers les films qui trouent, les réalisateurs qui décoiffent ? Le choix semble alors étroit : Cahiers du Cinéma ou Positif.
En ce temps-là, le débat consiste surtout à se demander si John Huston est un cinéaste majeur ou surestimé, à s’étriper pour savoir si John Ford est plus fortiche que Howard Hawks, si un mauvais Alfred Hitchcock sera toujours meilleur qu’un bon Claude Sautet. C’est dans cette ambiance déprimante et surannée que Christophe Gans, Nicolas Boukrief, Doug Headline, François Cognard et quelques autres vont se remuer le fessier et concevoir un magazine de cinéma aux partis pris autrement plus frais.
DÉPASSER LA NOUVELLE VAGUE
Janvier 1983, les Cahiers du cinéma n° 343. Le magazine élit ses films préférés de l’année : Une chambre en ville de Jacques Demy, Passion de Jean-Luc Godard, le Pont du nord de Jacques Rivette, le Beau Mariage d’Eric Rohmer. Hum… Seraient pas un peu restés bloqués sur ce qu’on appelait au début des années 60 la nouvelle vague, la bande à Toubiana, Daney, Skorecki ? Sentirait pas un peu le roussi, cette politique des auteurs qui passe à l’as le cinéma de genre ? Car 1982, c’est aussi l’année de The Thing de John Carpenter, Plain Jane to the Rescue de John Woo, Blade Runner, Rambo, Honkytonk Man de Clint Eastwood, Ténèbre de Dario Argento… Des films qui, à l’époque (nous sommes presque vingt ans en arrière), glissent étrangement entre les mailles de la cinéphilie hexagonale traditionnelle – le cinéma de genre est alors synonyme de cinéma de sous-genre.
Outre les Cahiers et Positif, a débarqué en France le magazine Première, qui s’est imposé comme le plus gros vendeur de la presse cinéma creusant un sillon très classico franco-français – Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Claude Brasseur, Gérard Depardieu ou Sophie Marceau sont ses chouchous. Ne restent, pour traiter de cinéma un peu plus excitant, que deux publications très chapellisées (donc aux ouvertures limitées), Mad Movies et l’Ecran fantastique.
Christophe Gans (né en 1960) collabore à ce dernier magazine. Il vient d’Antibes, ville située à deux jets de pellicules de Cannes. Dès ses 12 ans, il ne loupe aucun festival, passant sa vie dans les salles obscures. Il craque en découvrant les films de Sergio Leone, Sam Peckinpah, Martin Scorsese, Brian de Palma, Joe Dante, David Cronenberg, Dario Argento…
LES FRÈRES COHEN
Logiquement, il entre à l’IDHEC (école de cinéma) en 1978. Sa passion l’oblige également à fabriquer un fanzine, Rhésus zéro, où il peut librement disserter sur ses dadas, du giallo (Mario Bava, Don Coscarelli…) au cinéma asiatique. L’Ecran fantastique le récupère fin 1979, ainsi que Scherzo Video, une boîte qui l’embauche en temps que découvreur de perles inédites. Exemple : c’est Gans qui fera éditer l’Enfer des armes de Tsui Hark, qu’on placera fastoche dans notre top 10 des meilleurs films de tous les temps. L’écriture n’étant (heureusement) pas pour lui une fin en soi, il se lance dans la mise en scène, réalisant à 21 ans le court-métrage Silver Slime.
Les frères Cohen, qui dirigent Scherzo, projettent de lancer un magazine qui assurerait la promotion de leurs sorties. Gans est sur le coup. Mais il voit plus haut, plus loin : pourquoi ne pas plutôt élaborer un vrai magazine de cinéma qui défendrait solidement le cinéma de genre ? Banco, rétorquent ces Cohen brothers. Gans en cause à un journaliste, Doug Headline, qui témoigne : « J’écrivais dans Métal Hurlant, où j’avais dirigé le numéro spécial Conan, et confectionnais des fiches pour mon père, Jean-Patrick Manchette, qui tenait une chronique sur le cinéma dans Charlie Hebdo – il défendait les séries B et dégommait des icônes comme Bergman et Fellini sans vraiment voir les films… J’allais beaucoup à la Cinémathèque, où je croisais toujours Christophe Gans. Notre amitié s’est scellée au Festival du film fantastique de Bondy, en 1980. Quand les frères Cohen lui ont donné le feu vert pour plancher sur un magazine, Christophe m’a naturellement mis dans la confidence. »
S’imposent immédiatement des plumes de la même génération (ils ont autour de 22 ans) : Nicolas Boukrief, ami d’enfance de Gans, et François Cognard, repéré grâce à son fanzine Rouge Profond, auxquels s’ajoutent Frédéric Albert Lévy et Dominique Monrocq.
GENRES MÉPRISÉS
Le numéro 1 de Starfix sort le 20 janvier 1983 avec, en couverture, une photo du film Dark Crystal (de Franck Oz). Headline signe un édito clair comme de l’eau de source : « Le nouvel Age d’or est là. L’ère du grand spectacle, de l’émerveillement, de l’émotion et de l’action est revenue ! Partout, le public accepte une nouvelle conception du cinéma : ce qui autrefois était rejeté est maintenant accueilli avec bonheur. »
La ligne rédactionnelle s’avère, à l’époque, gonflée. Sont défendus Dario Argento (Ténèbre), David Cronenberg (Videodrome), Sam Raimi (Evil Dead), le Retour du Jedi… Cognard, sous le pseudo Dan Brady, ouvre la rubrique Zone Z, particulièrement révélatrice : y sont examinés avec poilade mais conviction des films, réalisateurs ou acteurs (« le cinéma bis ») partout ailleurs trop méprisés pour être mentionnés – ça va de la réhabilitation malicieuse de Umberto Lenzi à l’observation « des fesses d’Emmanuelle dans la culotte de Laura Gemser » (la sublime actrice de Pénitencier de femmes). Starfix, magazine d’une nouvelle génération, apporte également un sang neuf en analysant sans dédain d’autres zones déconsidérées : la pub et le clip. Immédiatement plus excitant que ses collègues, « le magazine du cinéma de demain » séduit naturellement un jeune public qui a accueilli la Guerre des étoiles avec frénésie. Les premiers numéros se vendent à environ 60 000 exemplaires, le tirage se stabilisant plus tard à 120 000. Autant dire que les Cahiers et Positif sont largement dépassés, Starfix s’imposant (malgré son statut bancal, les gens du milieu s’évertuant à ne pas prendre au sérieux ces zigotos exaspérants) comme le deuxième magazine de cinéma derrière Première.
••• « ON FAISAIT TOUT ENSEMBLE, MÊME NOS VACANCES. NOTRE JEUNESSE, C’EST “STARFIX” » (CHRISTOPHE LEMAIRE).
« ON A MÊME HABITÉ PENDANT UN MOMENT DANS LE MÊME IMMEUBLE » (DOUG HEADLINE).
L’ERREUR BENEIX
Nicolas Boukrief, interviewé dans Phantom : « On souhaitait être les Métal hurlant de la presse cinématographique, défendre des auteurs pas reconnus comme Carpenter et Cronenberg. On voulait une rupture forte : un journal en couleur (à l’époque, il n’y avait que Première en couleur, NDLR) s’intéressant à un type de films méprisés ailleurs. C’était presque politique. On ne savait rien de la presse : on se faisait d’abord plaisir. »
Christophe Gans ayant dû partir sous les drapeaux, c’est Doug Headline qui tient la boutique. « Christophe m’envoyait ses textes façon “Je suis dans mon bivouac, il y a de la boue, il fait froid, j’écris ces lignes sur Ténèbre.” » Couverture du n°2, Rambo, du n° 3 Inspecteur Harry, n° 6 Superman, n° 9 Staying Alive. Un problème survient après le n° 9 : Gans revient du service militaire, et les frères Cohen le plébiscite contre Doug Headline. Ce dernier part. D’autres arrivent, comme Christophe Lemaire, au style volontiers désopilant.
Etiqueté magazine du fantastique et de la science-fiction, Starfix s’ouvre à tous les genres. Seule épine dans la chaussette : le cinéma français. Ont été défendus le Dernier Combat (Luc Besson) et la Lune dans le caniveau (Jean-Jacques Beneix). C’est Nicolas Boukrief qui s’est (trop vite) enflammé sur ce dernier nanar, l’imposant en couverture. Christophe Lemaire : « Nicolas l’avait vu en avant-première avec la production du film. Il a été manipulé. Quand Gans l’a vu à Cannes, il est devenu fou, il a filé voir Nicolas : “Dis donc, on a deux mots à se dire !” » Pour le cas Besson, l’équipe déchantera rapidement, le laissant tomber dès Subway (« Station Invalide »). Mais les deux principales têtes de turc de Starfix resteront Claude Lelouch et Yves Boisset. Lemaire : « Je me rappelle d’un film de Boisset vu avec Gans où on était tordus de rire à cause d’un chien à l’arrière d’une voiture. On a fait toute la critique du film sur ce chien. »
« LA CONTRE-CULTURE DEVENAIT DOMINANTE »
Mais les journalistes refusent les a priori faciles et le cynisme routinier. Ils vont par exemple défendre Thérèse d’Alain Cavalier et Mélo d’Alain Resnais, Nicolas Boukrief restant un grand partisan des films d’Andrzej Zulawski. Starfix joue les découvreurs en parlant de Tsui Hark (et de tout le cinéma de Hongkong) ou de Paul Verhoeven et rassure son éditeur en élevant Sylvester Stallone au rang de cinéaste-acteur important.
Des difficultés financières surgissent pourtant en juin 1985. Les frères Cohen se retirent, Nicolat Darlet (issu d’Hachette-Fillipachi) arrive. Ça n’empêche pas la bande de vivre en autarcie. Lemaire : « On faisait tout ensemble, même nos vacances. Notre jeunesse, c’est Starfix. » « On a même habité pendant un moment dans le même immeuble », raconte Doug Headline, qui a réintégré l’équipe en 1989. Gans se détache alors de son bébé, Antoine de Caunes l’ayant récupéré pour Rapido. Darlet a imposé un intrus comme rédacteur en chef, Laredj Gaston-Karsala, qui va parfaitement s’entendre avec le gang. Quand Darlet quitte le navire, c’est d’ailleurs Gaston-Karsala qui sauve l’embarcation. « Une période bizarre mais intéressante, analyse Doug Headline. On avait viré plus intello, moins méchants. Nos choix défendus à l’origine étaient maintenant reconnus. La contre-culture devenait la culture dominante. Même les Cahiers ont fait une couverture comme Batman. Notre rôle s’était aminci. Alors Nicolas Boukrief, désormais rédacteur en chef, nous aiguillait dans tous les sens. C’est pour ça que les Rita Mitsouko vont se retrouver en couverture. »
LE PETIT BONHOMME DE « TÉLÉRAMA »
Problème : Starfix souffre de difficultés financières insolubles. Le numéro 90 de décembre 1990 est le dernier. Christophe Gans et Nicolas Boukrief ont, depuis, réalisé deux films chacun. François Cognard et Doug Headline bossent sur le leur. Passage à l’acte. Tous restent soudés.
« On bossait comme dans un fanzine, on ne se rendait pas compte du culte que générait Starfix », assure Christophe Lemaire. En défendant sans complexe et avec des arguments recevables Breakfast Club plutôt que Pialat, la bande de Gans et Boukrief a pourtant insufflé un grand bol d’air frais dans la critique cinéphilique ronronnante. Outre Lelouch et Boisset, les rédacteurs avaient une tête à claques favorite : « Le petit bonhomme de Télérama. » Ils l’ont ridiculisé durant huit ans. Merci aussi pour ça.
Merci à Nicolas Rioult, rédacteur en chef de « Phantom » (n° 5 spécial « Starfix »)
(par Benoît Sabatier, le Vendredi 01 Juin 2001)"
Article paru dans NouvelObs "Itinéraire d’une « fille de Starfix » :
une cinéphilie pré-Internet et pré-geek" Par Antoine Katerji Blogueur.
Publié le 20/04/2015 Hélène Merrick est un étonnement. Belle,
blonde, une ligne haricot vert, un physique d’héroïne de Rohmer. On la
croirait tout droit sortie de « Pauline à la plage ». Mais c’est dans
les pages d’une revue dédiée au cinéma de genre qu’elle se fera
connaître, en tant que spécialiste maison du cinéma musclé et des gros
bras. De cette expérience, elle en a tiré un livre de souvenirs : « La
fille de Starfix » (Éditions Ecrituriales, novembre 2014).
Starfix, du cinéma de genre au genre cinématographique
Hélène Merrick est donc la fille de Starfix. La fille d’une bande de
garçons où l’on trouve les futurs réalisateurs du « Pacte des Loups »
et du « Convoyeur » (Christophe Gans et Nicolas Boukhrief), le fils de
Jean-Patrick Manchette (Doug Headline), un employé de vidéo club
(Christophe Lemaire), un prof (FAL), un comédien (François Cognard).
Tous unis par un même amour du cinéma de genre. Tous réunis sous la
bannière d’une revue qui se rêvait le Première du fantastique. Un
magazine grand public, en couleurs et au sous-titre prometteur : « Le
magazine cinéma-vidéo de l’aventure et de la science-fiction. » Qui
finira, sous la pression des financeurs (eux-mêmes sous pression des
annonceurs), par couvrir toute la production cinématographique sans
jamais renier ses fondamentaux. Nicolas Rioult se rappelle, dans«
Starfix - Histoire d’une revue » (Éditions 2501) :
« Il n’y avait pas de barrières et tous les genres étaient défendus
avec une même passion et une même fougue. [Car] quand on aime le
cinéma, on aime TOUS les cinémas. »
Une cinéphilie omnivore
Il y a deux manières d’aborder ce livre. Ou bien, on s’intéresse à la
matière, aux anecdotes racontées : du baiser sur la bouche de Chuck
Norris à la bouche salace de Russ Meyer, en passant par les clins
d’œil d’Alec Baldwin, les jeux de jambes de Van Damme et autres mains
baladeuses.
Ou bien, on s’intéresse à la manière dont Hélène Merrick raconte son
métier. Ce qu’on appelle aussi le discours. Le discours d’une critique
au service d’une cause. La cause, c’est d’abord la reconnaissance de
tous les cinémas. Un militantisme qui fera dire à Nicolas Boukhrief
que Starfix est une revue politique. Et qui trouve un écho chez
Merrick et son approche omnivore du cinéma. Elle qui « allait tout
voir » et qui « aimait plusieurs genres ». Elle qui pouvait aussi bien
aimer « un film de ploucs, “l’Ame sœur” de Fredi Murer, un film suisse
bouseux sur l’amour incestueux entre une fille et son frère »que «
Commando » et son Schwarzy qui tire au lance-roquettes.
Extension du domaine de la lutte
Cette lutte se double d’un combat pour trouver sa place dans le milieu
cinéphilique. La cinéphilie, ce butin que les hommes gardent
jalousement pour eux, au prétexte qu’elle serait :
»Une sorte de purgatoire à qui veut rester à l’état d’enfance. Et ce
sont les garçons eux seuls, qui ont besoin de ce refuge, de cet alibi
lorsqu’ils refusent de prendre l’initiative sur le plan sentimental ou
professionnel, puisque c’est à eux seuls de la prendre. Les femmes
n’ont pas besoin d’échappatoire, si elles refusent les rênes de la
vie, c’est tout à fait normal. »
C’est Luc Moullet (dans « Confession impudique d’un vieux cinéphile »
in Cahiers du cinéma n°497) qui parle, et ça concerne la cinéphilie
classique. Quant à la cinéphilie de genre, elle est interdite aux
femmes (comme les films le sont aux enfants), au prétexte qu’elles
auraient peur des monstres et s’évanouiraient à la vue du sang .
A la guerre comme à la guerre
Hélène Merrick n’est pas de celles qui détournent le visage de l’écran
(« D’habitude, les femmes crient quelle horreur et se cachent la
figure, pas toi » lui fait remarquer son ami Pierre Pattin). Celle qui
se présente comme un « expendable » se livre à une véritable guerre
des sexes. Une guerre sémantique avec : •son entraînement militaire.
Sa première expérience de critique, à Métal Hurlant :
« bouleversante, en ce sens que j’y ai fait mes classes, comme à
l’armée, à la dure ! Après ça, aller au front ne pouvait être que plus
paisible. » Plus loin, « comme un soldat, je dois faire front. C’est
comme ça que je me vois : un soldat. » •Ses forces en présence. Sa
première projo :
« Me voilà dans la grande salle du cinéma Normandie, entourée de gens
qui se connaissent, je me demande comment je pourrais bien faire
partie de ce cénacle. » •Sa progression en territoire ennemi. Ses
premiers textes dans Starfix :
« je me suis glissée subrepticement, un vrai boulevard, dans les
créneaux dédaignés par ces messieurs en folie. » •Sa prise de guerre.
Un article dans « Métal Hurlant », éloge de la femme guerrière au
cinéma (la Ripley d’ »Alien », Sandhal Bergman de « Conan le Barbare
»). Qu’elle conclura par un bras de fer avec le rédacteur en chef, un
certain Philippe Manœuvre.
Ou encore, le Palais des Festivals qu’elle compare à un « bunker », sa
veste à épaulettes et sa jupe cloutée, à une armure.
Une humeur critique
Un combat qui ne se limite ni au genre féminin ni au genre
cinématographique. Comme le montre sa volonté de dépoussiérer le genre
critique. De le renouveler.
A la froideur critique, notre critique préfère les billets d’humeur.
Merrick est une critique à la dent dure qui affectionne les billets
doux. C’est la critique de « L’Education de Rita »et son évocation
enthousiaste du jeu de Michael Caine qui se termine par un : « Je
l’épouse tout de suite ». Qui ne fait pas tache dans une revue où même
le rédacteur en chef (Christophe Gans) écrit, à propos d’une actrice
(Belinda Bauer), des phrases du genre : « la voir sussurer un Los
Angeles à la mexicaine, un bout de langue entre les dents vous fera
l’effet d’un chili con carne bougrement relevé. »
Verve critique et veine humoristique
De l’amour mais aussi une bonne dose d’humour. Comme cette critique du
film « La Triche » de Yannick Bellon qui ressemble à un jeu des sept
familles. Où la mère Michel croise « la femme de Jean » (titre du
précédent film de Bellon) et un Roland Blanche dont le maquillage
outrancier lui vaut le qualificatif de « tante ».
C’est aussi la page télé de Starfix où Merrick marque son territoire
par ses remarques personnelles. A propos du film « Pour cent briques
t’as plus rien » , elle écrira : « C’est bien ce que je me disais
aussi » (autres exemples : « Ils sont grands ces petits » : « Tant
qu’ils ne sont pas au chômage, on s’en fout » et « L’Homme pressé » :
« Bon ben qu’il y aille et qu’on n’en parle plus »).
Des critiques dans le ton général de la revue. Comme cette critique
signée Nicolas Boukhrief qui se présente sous la forme d’une punition
d’écolier : « je ne dois pas faire l’imbécile, ou l’on m’obligera à
critiquer “Hysterical”, je ne dois pas faire l’imbécile, ou l’on
m’obligera à critiquer “Hysterical”.
Sans oublier ce happening où l’équipe de Starfix se met en scène en
parodiant l’affiche du film “Viva la Vie” de Claude Lelouch
Un ton volontairement potache qui s’explique par la jeunesse des
rédacteurs, par leur fougue juvénile. François Cognard compare la
revue à un grand préau. Christophe Lemaire y voit la rencontre de
critiques qui ont éclaté leurs boutons d’acné au rythme des meurtres
du “Suspiria” de Dario Argento. Nicolas Boukhrief parle d’une
expérience initiatrice :
“Généralement, quand on est jeune, on s’éclate en boîte, on fait des
conneries, on se cherche. Mais nous, notre jeunesse, on l’a faite à
Starfix !”
Quand Merrick y voit une crise d’ado, ces “années resteront dans ma
mémoire les vrais années d’adolescence de mon existence”.
Des critiques qui se prennent au sérieux
Ce qui n’empêchera pas certains critiques de faire preuve de sérieux.
Pour le meilleur : le professoral FAL et sa lecture œdipienne de
“Retour vers le futur”. Comme pour le pire : cet édito qui entend
décrire la schizophrénie américaine en s’appuyant sur les films et en
usant de comparaisons audacieuses. Et qui renseigne surtout sur l’état
mental du critique :
»Cheminons plutôt comme les mômes de « Stand by me » qui parcourent
l’Amérique comme un couteau au travers de la gorge. Ils sont partis
chercher le cadavre d’un enfant, comme s’ils allaient vers la Mort. En
fait, ils apprenaient l’Amérique par les pieds. Stand by me, because
the night ».
Et le meilleur pour la fin :
« “Police fédérale”, un terrible thriller, monté raconté avec la
précision d’une montre suisse. Et aussi émouvant que Reagan ou une
truite dans le lac Léman. »
Un édito qui, trente ans après, amuse (et intrigue) encore notre
critique. Qui préfère les critiques imagées et les images fortes :
« Le handicap insurmontable de “Yentl” c’est la musique de Michel
Legrand qui ressemble à la charge de tous les brigades lourdes
réunies. »
L’image ou la clé qui ouvre la porte du cinéma de l’imaginaire, ce
cinéma qu’a toujours défendu Starfix.
Le cinéma c’est la vie
Pour finir, on retiendra l’aspect vivant de cette cinéphilie pré-geek.
Cette cinéphilie d’avant Internet. Celle du Minitel, une cinéphilie
sans IMDB, AlloCiné, Torrent 411. Celle où on vivait vraiment les
choses, où la passion était plus forte que la technologie. C’est
Merrick qui achète son magnétoscope à crédit. Qui loue ses K7. Qui
traverse Paris pour ramener ses locations. Qui passe sa vie dans les
librairies spécialisées. Qui achète de la documentation pour ses
articles. Qui passe des jours à trouver la bonne illustration. Qui
consulte les encyclopédies du cinéma. Qui dicte ses articles dans une
cabine téléphonique, en comptant ses pièces.
C’est Merrick qui entre dans les salles obscures comme si elle sortait
de la caverne de Platon :
« Je quittais en toute hâte les bâtiments sinistres de Saint-Denis,
j’entrais dans le métro comme un zombie, je sortais des catacombes
pour découvrir les lumières des Champs-Elysées ; j’avais l’impression
de traverser la Porte des Étoiles. »
Une vie au cinéma, la vie au cinéma. Une idée qui aurait plu à
François Truffaut.
Le Truffaut de « Si j’aimais la vie, je n’aurais jamais fait de cinéma
» (sa réponse au slogan publicitaire « Quand on aime la vie, on va au
cinéma ! »). Le Truffaut de « La Nuit américaine » et sa tirade
célèbre :
« Les films sont plus harmonieux que la vie. Il n’y a pas
d’embouteillages dans les films, pas de temps morts. Les films
avancent comme des trains, comme des trains dans la nuit ».
Un Truffaut que Merrick connaît bien pour lui avoir consacré une
biographie (encore une preuve de son éclectisme). Et dont le fantôme
la hante encore. Comme lorsqu’elle peste contre les transports en
commun. Comme lorsqu’elle nous plonge dans le…... tourbillon de la vie
:
« On quitte les lieux en ricanant bêtement, à peine fatigués, et on
recommence le lendemain, projections, articles, interviews en bande
dans les salles de ciné, les bistrots, les restaurants, réunions de
rédaction, va et vient, mouvement perpétuel, la Vie ».
Bref, vivent le cinéma et ses passionnés! Helene Merrick, Antoine Katerji et Benoît Sabatier
et Christophe Gans, Nicolas Boukhrief, Doug Headline, Frédéric-Albert Lévy, François Cognard, Daniel Bouteiller
et SC
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Créée
le 1 oct. 2016
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