J'ai lu La vie rêvée d'Ernesto G avant le Club des Incorrigibles Optimistes. Trois ans séparent les deux romans de Jean Michel Guenassia où l'écrivain est parvenu à se forger une identité littéraire. Là où l'écrivain a magistralement rectifié le tir avec La vie rêvée d'Ernesto G est que le romanesque s'est remarquablement inscrit dans le contexte historique (voir critique sur mon premier profil,Locke). Ce n'est pas vraiment le cas dans le Club des Incorrigibles Optimistes où Guenassia se disperse en voulant mettre son jeune narrateur, Michel Marini, face à deux mouvements narratifs: l'histoire de sa famille et celle de ses amis du Balto, exilés politiques de Hongrie ou de Russie pour la plupart. Certes, il y a des coïncidences voulues entre la vie contrariée de Franck,frère du narrateur qui doit fuir à cause d'une horrible circonstance en Afrique du Nord et celles de Léonid,Imré,Sacha et Pavel qui ont quitté femmes et enfants dans des pays slaves pour ne pas perdre la vie. Or, la guerre d'Algérie et l'épuration méthodique et récurrente sous Staline ou d'autres régimes totalitaires ne peuvent être mis sous une même lumière. L'Histoire est plus complexe et chaque pays n'est pas le reflet d'un autre.Question de civilisation.


Alors, le lecteur voit balbutier l'auteur, qui se perd dans deux récits interminables. Michel Marini, narrateur de douze à trente trois ans, a beau être un adolescent puis un homme attachant et sensible, vous le voyez complètement perdu entre les rapports familiaux conflictuels, les éclats de voix au café où il apprend les échecs avec ses copains slaves et pour lesquels il est presque un confident un peu trop jeune. Michel Marini apparaît donc comme un adolescent qui grandit trop vite et ne vit pas l'existence d'un lycéen lambda. Certainement la faute à la guerre d'Algérie qui a fauché l'élan d'une génération mais aussi à des parents démunis par les postures de gamins qui sont passés du rock and roll au fusil mitrailleur en très peu de temps, juste pour une guerre déclarée cause légitime par la France. Dans le livre, cela est plus habilement suggéré que décrit, ce qui est déjà pas mal mais pas assez pour ce livre qui aurait mérité plus de clarté et de simplicité.


Tout ce que j'ai trouvé intéressant, c'est la vie intérieure du jeune narrateur, sa folle envie de dévorer les livres, de découvrir le monde et l'amour. Jean Michel Guenassia a d'ailleurs plus réussi à faire parler Michel Marini jeune adolescent qu'adulte. Il ne lui consacre en tout et pour tout qu'un court chapitre où il est seulement défini par ses amis du Balto, car il retrouve l'un d'entre eux en 1980.


Un autre attrait est celui des deux derniers chapitres où l'un des personnages les plus mystérieux du livre, va se révéler. Un focus qui offrira toute sa légitimité à l'ensemble et permettra une relecture de certaines scènes hermétiques de prime abord.


Qu'importe, ce que Guenassia avait déjà en 2009 avec le club des Incorrigibles Optimistes, c'était un talent de conteur qui a su s'affiner par la suite pour trouver une vraie cohérence. En faisant la part des choses, l'expérience de lecture de ce roman n'est pas complètement décevante car beaucoup de choses s'y passent et que ses personnages ne sont pas tièdes. Et la difficulté d'écrire une histoire avec un ou plusieurs contextes historiques, est un exercice périlleux où objectivité et romanesque doivent interagir du mieux possible.Et ce n'est jamais gagné d'avance!

Specliseur
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le 14 juin 2016

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