Pas si loup-phoque
Ce petit recueil de nouvelles de Chesterton est sympa, bien écrit avec un style intellectuel indéniable. Les personnages principaux sont intéressants, avec ce côté classique bourgeois de l'époque...
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le 29 mars 2020
Le Club des Métiers bizarres est plutôt bien écrit et traduit (K. Saint Clair Gray), plutôt bien construit, plutôt soigné, les intrigues prises une par une sont plutôt prenantes, au point que le lecteur se retrouve souvent « lancé comme un bolide dans l’histoire d’un autre » (p. 42), à l’image du major Brown dont les « Aventures formidables » constituent la première nouvelle. Mais tout ceci ne suffit pas à faire d’un livre un chef-d’œuvre.
À vrai dire, le recueil lui-même est remarquablement cohérent, construit autour du club qui lui donne son titre : « la seule condition pour en faire partie consiste en ceci, que le candidat doit avoir inventé la profession qui le fait vivre, et que cette profession doit être entièrement nouvelle » (p. 12). D’où la galerie de doux dingues et d’excentriques très British qui le peuple, dont la table des matières dresse un aperçu.
Je ne citerai pas dans cette critique l’ensemble des paradoxes exposés par le narrateur auquel Chesterton donne sa voix : ils dépasseraient en volume la critique elle-même. (Je parle de paradoxes car leur logique est implacable. Je laisse au lecteur scrupuleux le soin de distinguer paradoxal et contradictoire. Chesterton ne se contredit pas.) Ils peuvent être très ponctuels : chez le personnage de Basil Grant, « cette voix monotone et endormie qui agaçait toujours ses auditeurs aux moments les plus passionnants » (p. 49) ; ou plus généraux au point de constituer un art poétique : « le fait de raconter une chose crûment et sans ménagement, telle qu’elle s’est passée, la fait paraître affreusement étrange. […] La vérité doit forcément être plus étrange que la fiction […]. Car la fiction n’est qu’une création de l’esprit humain et, par conséquent, est à sa mesure » (p. 106).
Si l’on ajoute que ce Club des Métiers bizarres embaume l’intelligence à plein nez, on comprendra ses limites : une allure trop brillante, un manque de rugosité qui laisse sur sa faim le tâcheron que je suis. Comme quand un ami t’explique par téléphone comment débloquer ton ordinateur, tout en faisant faire ses devoirs à sa fille et prendre son bain à son fils.
Créée
le 23 mai 2019
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