« Je m'en fiche comme de l'an quarante » : voici-là une expression qui n'a jamais manqué de me surprendre. Car au fond, 1940 a tout du funeste, et on aurait bien tort de s'en désintéresser complètement. Cela dit, 1940, c'est l'année de naissance de Bugs Bunny, mais aussi l'élection de Franklin Delano Roosevelt pour un troisième mandat en tant que Président des Etats-Unis. Or, dans le livre qui nous intéresse ici, Le complot contre l'Amérique, il y a un hic : ce n'est pas Roosevelt qui est élu cette année-là, mais un aviateur.

Du coup, nous avons affaire à une uchronie : la véracité historique du roman de PhilipRoth s'arrête en 1939 pour laisser ensuite le récit examiner « ce qui aurait pu être » si Charles Lindbergh, car c'était lui, s'était retrouvé président en 1940. Le choix de Lindbergh n'est pas spécialement fantaisiste car, s'il ne s'est jamais présenté contre Roosevelt aux élections, il a bel et bien été le leader du mouvement America First (isolationniste, anti guerre), non sans avoir reçu la médaille de l'ordre de l'Aigle germanique de ce bon vieux Göring.

En fait, même si l'ennui a parfois pointé le bout de son nez, je garde un bon souvenir de la lecture de cette uchronie pas vraiment typique. C'est un peu comme si Philip Roth avait voulu jouer à se faire peur, s'inventant une enfance possible non pas influencée par ses propres choix mais par ceux des citoyens de son pays. Le récit est en fait centré sur la famille de l'auteur (qui est aussi le narrateur), la famille Roth, dont l'existence et la vie quotidienne sont bouleversées par la politique de l'administration Lindbergh. Il s'agit donc non seulement d'une uchronie, mais AUSSI d'une espèce d'autobiographie rêvée, ou plutôt cauchemardée. En revenant sur son enfance, l'auteur s'attarde d'ailleurs assez souvent sur des détails qui paraissent anodins, l'évolution globale de la situation restant en toile de fond.

Finalement, il me paraît important de signaler qu'il s'agit d'un roman tout en nuances. Sa couverture affiche crument une croix gammée, mais le récit évite en général tout manichéisme, ce qui lui donne un caractère plausible agréable. Ce n'est pas une Amérique nazie qui nous est dépeinte, mais une Amérique tentée, un peu paumée, voire manipulée, mais aussi divisée en diverses franges de population... le tout vu à travers les yeux d'une famille juive elle-même confrontée à ses propres conflits internes. Ouaip : les nuances, y'a que ça de vrai.
Nonivuniconnu
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le 26 août 2011

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Nonivuniconnu

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