Le Concile de fer par Coucoutsky
Nouvelle-Crobuzon.
Ville-état gigantesque, hétéroclite, disparate. Des races diverses et improbables y vivent en ghettos ou côtoient la majorité humaine en une intégration relative, aléatoire. La thaumaturgie y croise la biocybernétique et les greffes en tout genres subies par les Recréés, des citoyens criminels punis par la loi. Le Parlement, pouvoir oppressant, répressif et sécuritaire, écrase les ardeurs rebelles au travers de sa Milice impitoyable. Les moyens de communications sont les journaux, les courriers, ou les calovires, ces petits êtres volants, juste assez intelligents pour délivrer un message oral. Des bidons-villes aux quartiers nantis, les rues sculptent la mégapole en des schémas complexes. Une ville insaisissable, grouillante, explosive, avec en son coeur, la gare démesurée de Perdido.
Valentin Mistral est un homme puissant. Et il a un rêve : établir une voie traversant le continent, partant de Nouvelle-Crobuzon, s'enfonçant en des régions non cartographiées pour ressortir des milliers de kilomètres plus loin, sur la côte qu'à cette époque seuls les navires rejoignent.
Mais les choses ne se déroulent pas selon ses plans. Au coeur des immensités sauvages, l'imprévu donne naissance à un mythe, une légende dont l'écho se répercutera jusqu'en ville: Le Concile de Fer.
Communauté utopique ou simple regroupement de hors-la-loi, il symbolise la rébellion, l'égalité entre les races, la tolérance, l'autogestion libérée du joug du Parlement. Il donne aux réseaux de révolte secrets de Nouvelle-Crobuzon, la force d'espérer, le courage de croire que le Système peut être battu.
Mais vingt ans plus tard, qui peut dire que le Concile existe encore ? Ou même qu'il a vraiment existé ?
Avec "Le Concile de Fer", China Miéville reste dans le Bas-Lag, ce monde de Fantasy Steampunk déjà présenté dans "Perdido Street Station". La lecture de ce dernier est d'ailleurs recommandée, car nombre de races, de créatures, de coutumes ou d'autres éléments y sont décrites avec une précision que l'on ne retrouvera pas dans "Le Concile de Fer". Ce manque de précisions et d'explications peut alors être déconcertant pour le lecteur ayant pris le train en marche...
On retrouve ici la richesse étourdissante de Miéville. Son univers fourmille d'inventions extraordinaires, de trouvailles étonnantes. La construction du récit, paraissant éclatée au début, est en réalité implacable, extrêmement bien calculée, amenant le lecteur en des moments grandioses avec un naturel qui donne à la fiction des allures de réalité. Son style est précis et économe: en quelques mots, il crée des personnages cohérents et charismatiques, des atmosphères envoûtantes, des lieux inattendus qui existent pourtant depuis des milliers d'années. Une force brute, inventive et émouvante crée au fil des pages un univers incroyable. Miéville écrit avec le feu, avec l'eau, avec la terre. Il fascine, et son style unique prend possession de notre imaginaire. Il faut bien se faire une raison: Bas-Lag existe. Nouvelle-Crobuzon existe. Les hommes-cactus, les sculpteurs d'eau, la fumée qui se pétrifie, tout cela existe vraiment. Quant au Concile de Fer, je vous le jure, il a vraiment existé. Je l'ai vu de mes yeux.