Le conteur Pouchkine livre ici une nouvelle romanesque qui aurait parfaitement pu servir de trame à un roman plus étoffé de son cru.
Silvio, excellent tireur au pistolet, est l'officier le plus mystérieux du régiment de province auquel est affecté le narrateur. Rapidement, au gré des parties de cartes et du service, les deux hommes deviennent amis au point que le premier se livre au second et lui confesse être viscéralement animé par une dette d'honneur envers un homme qu'il a jadis défié en duel et épargné. Ses confidences ont pour résultat d'épaissir encore le mystère qui entoure son identité et son passé.
Plusieurs années passent, le parcours des deux hommes s'est divisé en deux routes distinctes mais le narrateur a l'occasion fortuite de rencontrer le duelliste que Silvio a épargné et apprend de lui la vérité sur son ami et sur leur dette d'honneur.
Très romantique - au sens littéraire -, cette nouvelle réjouit d'abord par la marque de l'écrivain, par son style si sobre et pourtant enchanteur. On a la sensation que l'auteur nous murmure lui-même son histoire au creux de l'oreille, comme un secret qu'il ne peut s'empêcher de partager. Malgré sa brièveté, le récit ne manque pas de profondeur ; l'aristocratique notion d'honneur et la psychologie des personnages y sont bien développées, dans le contexte toujours aussi dépaysant des us slaves.
Du Pouchkine pur jus, à déguster avec respect mais sans aucune modération.