Coin-coin !

Il y en a qui, de Vialatte, préfèrent les chroniques. Moi, ce sont les récits, même inachevés, même esquissés, même glanés dans ses tiroirs qui paraissent sans fond. Le Cri du canard bleu comme les Fruits du Congo, Battling le ténébreux ou Fred et Bérénice peint, en mettant l’intrigue à l’arrière-plan, une jeunesse dans la France provinciale d’autrefois, avec bons points, cartables en cuir, almanachs et institutrices envoûtantes. Pourtant la mythologie de poche déployée par Vialatte n’empêche pas une incroyable modernité : l’adolescence évoquée ici est universelle.
Frivoles avec tout ce que la frivolité implique de sérieux, les enfants des récits de Vialatte, presque désincarnés mais omniprésents, « êtres d’un autre monde, impalpables, vagues et lointains, qui flottent à mi-chemin entre le bord du monde et le commencement d’autre chose » (p. 41), naissent de cette petite musique stylistique, légère mais entêtante, faite de mots simples choisis et d’images fortes presque toujours ouvertes, qui permet de reconnaître au premier coup d’œil ces récits qui sont de toutes les époques : «  La Beauté ne s’explique pas. Elle s’impose, elle vous saisit. Elle vous laisse un signe au passage ; on le reconnaîtra toute sa vie. Elle vous attrape et vous conduit par des chemins qui sont à elle. Quand elle vous lâche, elle vous laisse des bleus sur vos poignets. » (p. 17).
Désolé pour le titre de la critique.