Le titre du livre dit son contenu. Le Cul de la femme, c’est quelque cent cinquante pages de photos de fesses – mais pas exclusivement : certaines représentent aussi des seins et des vulves – réalisées entre 1892 et 1914, « qui ont (ou ont pu) appartenir à Pierre Louÿs » (p. 14 ; heureusement, les photographes savaient mieux utiliser leurs appareils que le préfacier les parenthèses).
Un avant-propos, bilingue, a le mérite de mettre en perspective les photographies en question, même s’il n’apprendra pas grand-chose aux lecteurs qui connaissent déjà les grandes lignes de la vie de Pierre Louÿs : ses fantasmes, son obsession pour les fiches qui tourne au bertillonnage pornographique, la légende des huit cents kilos de brouillons posthumes, le transfert d’une grande partie de sa collection entre les mains de Michel Simon…
Naturellement, le Cul de la femme se heurte aux limites du genre. Plus exactement à la limite du genre : ça reste des photos de culs. Les auteurs ont beau les avoir classées selon les rubriques de Pierre Louÿs lui-même – « À genoux, le corps droit », « Assises », « Retroussés et déshabillés »… –, une forme de monotonie finit par s’installer si le lecteur ne prend pas soin de lire l’ouvrage en plusieurs fois. Et autant on est loin, avec ces clichés en noir et blanc, de l’étalage de viande que constitue le tout-venant de la photographie pornographique actuelle, derrière laquelle l’exploitation capitaliste se voit comme le nez au milieu de la figure, autant la suavité qui se dégage rétrospectivement de la majorité des clichés, bien plus fripons ou coquins que trash, n’empêche pas qu’une forme d’aliénation s’y lise aussi…
Et puis au-delà de la question éthique, si aucun cliché n’est véritablement mauvais, si certains sont même de franches réussites dans leur domaine, aucun n’est un chef-d’œuvre de la photographie. Les limites du genre, je vous disais.
À feuilleter en écoutant « La Fessée » de Brassens…
P.S. : Cette critique porte sur l’ouvrage publié par la Manufacture de livres en 2018, et non par celui des éditions Astarté (2008), qui porte le même titre mais semble différent.

Alcofribas
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le 28 nov. 2018

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