Parce qu'il s'est mis en fâcheuse posture après avoir "chié dans les bottes" d'un chef du Yamaguchi Gumi, la plus grande organisation de yakuzas du Japon, Jake Adelstein doit se trouver rapidement un garde du corps ; son choix se porte sur Saigo, dit "Tsunami", un colosse de cinquante ans qui a fait partie d'une bande rivale, l'Inagawa kai, avant de se ranger. Le problème, c'est que yakuza un jour, yakuza toujours : avant d'accepter la mission, Saigo précise bien au journaliste qu'il prend des risques énormes en le couvrant, car il redevient par extension un "ennemi" du Yamaguchi Gumi. Et donc un homme à abattre. Jake Adelstein lui demande ce qu'il peut faire pour lui, en échange de ses services ; Saigo lui demande d'écrire sa biographie, une biographie authentique qui ne fera pas l'impasse sur les aspects négatifs de cette mafia crainte mais respectée.


Le dernier des yakuzas raconte donc la vie de Saigo, depuis son enfance auprès d'une mère américaine et d'un père japonais, jusqu'à son accès aux plus hautes cimes de l'Inagawa-kai, en passant par sa jeunesse délinquante entre gangs de motards, groupes de rock axés extrême droite, ses problèmes d'addiction à la méthamphétamine et aux soaplands.


Sur son chemin, il croisera plusieurs grandes figures de la criminalité et se fera une place parmi eux _ou pas. Le livre suit un ordre chronologique, année par année, ou décennies par décennies, en fonction du parcours du "héros", mais quelques grands principes reviendront régulièrement avant d'être mis à mal dans les tous derniers chapitres, marquant ainsi la fin d'une époque : un yakuza ne s'en prend pas au peuple, ne vole que les riches, deale ce qu'il veut, fait discrètement le business qui lui chante, mais doit garder une certaine ligne de conduite coûte que coûte.


"Au Japon on dit que l'endroit le plus sombre est au pied du phare."


Les histoires de mafieux, enlèvements et doigts coupés, c'est pas trop mon truc, et Le dernier des yakuzas ne fera pas figure d'exception. Mais il faut reconnaître que Jake Adelstein nous permet de nous immerger dans la culture japonaise du XX°siècle, n'hésitant pas à faire de longues parenthèses historiques pour bien situer le contexte de l'action. Certains diront que le style journalistique rend l'histoire dure à suivre et le livre difficile à lire, et ce n'est pas forcément faux, mais son auteur pouvait-il vraiment faire autrement ? Tatouages, drogue, respect des aînés et de la hiérarchie, code de l'honneur, évolution du positionnement de la police vis à vis des yakuzas... Sans les explications de l'auteur, un public non averti n'aurait pas compris certains enjeux, actions et réactions des différents personnages.


"C'est ça, la vie de yakuza. Tu fumes où tu veux, quand tu veux. Le monde entier est ton cendrier"


Bien malgré lui, Adelstein nous rend les yakuzas presque sympathiques parce qu'il fait le choix de nous présenter leurs travers les plus puérils, leur boulettes les plus ridicules qui se concluent souvent dans un bain de sang beaucoup moins drôle ! On ne peut s'empêcher de voir dans cette horde de criminels une bande de sales gosses, de Robins des Bois qui perdent un temps fou à se faire des croche-pieds entre eux. Bref, une livre à lire, ne serait-ce que pour son thème central, assez peu courant en littérature !

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le 23 août 2019

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