Hermann Hesse fait partie des auteurs dont j’aime la capacité à explorer les tréfonds de l’âme humaine. La description des affres insondables de l’enfance, la faculté innée qu’ont ces petites âmes en construction à se projeter dans des instants d’une dépression insensée, et à en sortir presque aussi rapidement. L’énervement face au monde des adultes, qui vit sur un temps différent, plus long et du coup punit, et c’est mérité, mais à contretemps, alors que l’enfant s’est déjà mis en paix avec lui-même… les 4 nouvelles composant cette œuvre tombent justes.
L’émoi provoqué par la fille de la scierie, le tempérament jouisseur de Klingsor, la quête identitaire de Klein/Wagner, toutes ces histoires portent en elle une part de vérité qui me touche car elles sont le reflet littéraire de fragments de ma personne à différentes époques de ma vie.
En abordant des émotions et des sentiments sur des sujets importants et simples comme l'angoisse, la mort, l'amour, Hesse arrive à mettre des mots sur le voyage intérieur que nous parcourons tous, et pour le coup sa vision me parle. Même la fuite en avant de Klein/Wagner se fraie un chemin dans mes expériences personnelles et la conclusion de l’histoire de la scierie, pour extrême et triste qu’elle soit n’est qu’une variation sur des sentiments et des faits déjà vécus.
Hesse a se pouvoir de parler directement au cœur de ce qui fait mon moi, bien plus qu’un Zweig par exemple, parce que moins poseur, moins dans l’artifice, plus sincère. Du coup il peut certainement être un peu vite catégorisé chez les écrivains psychologisants ou spiritualistes sans grand intérêt (comme il a en plus le malheur d’avoir eu un succès bien au-delà de l’estime…).
Peut-être. Mais le fait est qu’avec son irritante manie de tomber juste, je le place haut dans mon panthéon personnel. Sincère et intelligent, dépourvu de cynisme, Hesse me plait. Et un auteur dont le matériau et les personnages sont réutilisés par Hugo Pratt pour les aventures intérieures de Corto Maltese ne peut pas être entièrement mauvais.