Raj a 70 ans. Et quelque chose le travaille. Une culpabilité profonde. La mort d'un enfant. Dont il va raconter le récit, délier les mots pour apaiser les maux.
Natacha Appanah part d'un fait réel : En 1940, de nombreux juifs sont débarqués sur l'Île Maurice. Fuyants les persécutions nazies, ils pensaient trouver refuge en Palestine britannique, mais émigrants illégaux, ils sont déportés sur une colonie. Traités là-bas pratiquement comme des prisonniers, ils sont tenus enfermés, et beaucoup y mourront, faute de soins.
A partir de cela, Appanah déplace légèrement son récit, et préfère raconter une histoire d'amitié entre deux petits garçons : un mauricien et un déporté. La vision du camp par les yeux de Raj est brute, sans réflexion, sans recul. Les yeux d'un enfant qui raconte ce qu'il voit. Et le lecteur qui a tout pouvoir de laisser son imagination deviner, de savoir, la vérité frissonne.
Une histoire légère et forte à la fois, l'amitié de deux enfants solitaires, du danger qui les entoure.
Une langue qui se délie avec fluidité, laissant parfois les émotions parler, ou s'attachant à nous décrire des lieux, permettant au lecteur de se plonger dans l'atmosphère et les lieux.
L'écriture d'Appanah semble simple du fait de sa pudicité, mais lorsqu'on laisse les mots prendre toute leur place, les laissant même vibrer sur la langue, on entend alors la musicalité, la précision et la force des images utilisées par l'auteur. Qui en fait un récit pouvant devenir bouleversant. Sans nullement tomber dans le larmoyant.
Cela dit, je n'aime jamais tellement quand, dès le début du livre, on connaît la fin. J'aime ne pas savoir, être entraînée par le récit. Ce dévoilement me gêne toujours.
Et quelque chose me dit que ce livre ne me restera pas tant que ça en mémoire. Des émotions fortes dans l'instant qui ne perdurent pas (peut-être parce que je n'ai pas vraiment trouver les personnages très forts et vrais, peut-être à cause de cette distance intégrée au récit par le narrateur de 70 ans...)