On ne le savait pas, mais Pedro Almodóvar n’est pas seulement un cinéaste – et même un immense auteur de films ! -, il est aussi écrivain : ce qu’on découvre avec ce Dernier rêve, et en particulier dans sa passionnante préface, c’est que toute sa vie, il a écrit. Et pas uniquement des scénarios, mais aussi de courts récits, parfois de véritables nouvelles, il n’avait jamais imaginé les publier.

C’est désormais chose faite avec ces 12 textes regroupés sous le titre Le dernier rêve, qui d’avèrent d’une diversité surprenante : on passe du fantastique (avec un twist « religieux » : la cérémonie du miroir) au conte de fées (envisagé comme une allégorie politique : Jeanne, la Belle au Bois Dément), de l’analyse introspective (Amer Noël, où il se représente en femme…) à la satire acide (Confessions d’un sex-symbol), de la fiction conceptuelle de haut niveau (Vie et Mort de Miguel, où il anticipe d’idée du film Benjamin Button) au journal intime (même si, de manière assez amusante, Almodóvar nie ce dernier aspect, sans doute par pudeur…). Certains de ces textes confortent, certes, l’image de lui qui s'est formée au fil des années et des visionnages de ses films, pour la plupart assez autobiographiques, mais d’autres sont beaucoup plus étonnants, et apportent un éclairage différent sur la personnalité du réalisateur.

Certains sont clairement reliés à des œuvres cinématographiques d’Almodóvar, et les cinéphiles adoreront y rechercher – et y trouver – des échos de ses films, comme par exemple La mauvaise éducation, sur les sévices connus au sein du système éducationnel (La visite), ou Douleur et Gloire, sur l’intrication entre ses relations amoureuses et la manière dont il crée ses films, et Tout sur ma Mère sur l’influence de Opening Night de Cassavetes (Trop de changements de genre).

La plupart des autres, ouvrant parfois des portes vers des horizons dépaysants par rapport au monde des films d’Almodóvar, peuvent être vus, a contrario, comme des pistes de récits « de genre » qu’il n’a pas empruntées au cinéma (hormis, il est vrai, avec la Piel que Habito). Ce qui nous amènerait presque à regretter que ce grand réalisateur n’ait pas eu l’audace aller risquer sa maîtrise dans d’autres territoires !

Comme dans toute collection de nouvelles, chacun aura ses préférences parmi les 12 textes. Nous avons trouvé quant à nous que, finalement, Almodóvar n’était jamais aussi bouleversant – et brillant – que quand il ne s’avançait pas masqué : Adieu Volcan, son hommage à la grande chanteuse mexicaine Chavela Vargas, ou encore Souvenirs d’un jour vide, réflexions inspirées par la solitude et l’isolement, brillent comme deux joyaux au milieu de la collection.

Les férus de « grande littérature » pointeront sans doute que tous les textes n’ont pas la même qualité littéraire, que certains auraient gagné à être retravaillés pour être publiés – ce qu’Almodóvar dit ne pas avoir fait, sauf pour Vie et mort de Miguel -, mais on leur rétorquera que l’objectif ici n’est justement pas de « faire de la littérature », mais bien d’enrichir notre compréhension d’un auteur et de son œuvre grâce à des éclairages inédits, inhabituels.

Le dernier rêve est évidemment un must pour tous ceux s’intéressent au grand Pedro (et on sait qu’ils sont nombreux en France !), mais c’est aussi un livre original et passionnant pour tous les autres…

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/09/05/le-dernier-reve-pedro-almodovar-ecrivain-amateur/

EricDebarnot
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le 7 sept. 2024

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