Une première lecture, à la sortie en langue française du recueil (quand personne ne connaissait cet univers hors de Pologne), m'avait apporté beaucoup de plaisir, nuancé cependant par une déception de taille: le monde de Geralt de Riv, bien que doté d'un ton particulièrement mature, s'inspirait bien trop des contes et légendes "à la Perrault" pour être vraiment original. La sortie des jeux vidéo et de la suite de la saga m'a donné envie de relire les premières aventures du sorceleur et je n'ai pas été déçu: oui, j'ai revu mon jugement et suis finalement plutôt séduit par la griffe de l'auteur, pas si dépendante des contes de fée que je croyais me souvenir.
Le livre propose six nouvelles nous présentant de manière assez désordonnée les premiers hauts-faits de Geralt de Riv. Ce côté hétéroclite est néanmoins porteur de sens grâce à une septième histoire dont les chapitres s'intercalent entre chaque nouvelle, les liant en une espèce de réflexion méditative de Geralt sur sa propre existence. Le procédé est payant car il a le mérite de structurer le cadre des aventures futures du sorceleur tout en offrant au lecteur quelques jolies perles philosophiques, sur lesquelles il est libre de s'attarder ou pas. Qu'il suffise de dire que le monde de Sapkowski est éloigné de tout manichéisme, nostalgique et que, bien que résolument fantasy, se rapproche du nôtre de façon subtile et poétique.
Privilégiant les dialogues aux actes de barbaries immédiates, ces courtes histoires n'en oublient pas moins de proposer leur lots de batailles et de créatures immondes. Mais, sur une Terre où la frontière entre l'humain et le monstre devient de plus en plus floue, chaque goutte de sang versé semble avoir une importance capitale dans un dessein qui nous apparaît encore flou mais qui, je l'espère, sera développé dans les tomes suivants de la saga du sorceleur.