Le Désespéré
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Le Désespéré

livre de Léon Bloy (1887)

Le désespéré c’est le roman vous pouvez laisser pourrir sans scrupules dans les greniers poussiéreux de votre papy pétainiste.


J’ai entendu parler de Bloy la première fois en lisant La Place de l’Étoile de Modiano qui le citait dans une énumération d’écrivains catholiques réactionnaires de la fin 19ème. Cela a suscité ma curiosité et quand j’ai trouvé le roman dans une librairie anarchiste de Bologne en Italie, je me suis dit que c’était l’occasion de le découvrir. Résultat : très déçu. Je m’associe pleinement à la critique négative de Dyothime, qui a tout dit, et mieux que moi.


Où je suis surpris c’est que Bloy n’est pas du tout un écrivain « du système » de la droite française qu’il s’ébroue à vomir et à maudire sur les 450 pages du roman, contrairement à mon a priori. C’est déjà un point pour Bloy. Ensuite, l’histoire de Caïn Marchenoir, son alter ego évident, est trop méchante et trop romantique pour l’époque : les attaques scatologiques à tous ses contemporains et à la « République cette putain » ne l’ont surement pas mis en odeur de sainteté avec camarades et ses coreligionnaires. Cela aurait pu faire un grand roman d’écorché vif, de personnage incapable de vivre dans leurs temps complètement écrasés par la machine de la modernité.


Et pourtant c’est raté. L’écrivain est trop conscient de faire un pâté antimoderne et en lisant Le désespéré on se sent pris en otage de ce personnage insupportable et pathétique dont on se voit obligé de suivre les aventures toujours anachroniquement tragiques et disproportionnées, évidemment. Au début, le style romantique assez dépassé nous fait imaginer qu’on finira par en venir à de l’ironie de la part de la narration ou bien que le personnage se remettra en question. En réalité cela n’arrive jamais, Marchenoir n’est rien moins qu’un saint face à une société qui est une putain, « trop bon trop con », l’âme d’un chevalier dans un monde de rats, etc. D’aucuns pourraient trouver l’auteur très complaisant avec Marchenoir, et je m'associe à ces détracteurs. En cela Marchenoir est un personnage romantique, sauf que lorsque chez Chateaubriand, les envolées lyriques et le premier degré permanent peuvent parvenir à nous toucher, chez Bloy, la narration est beaucoup trop cynique, fière d’elle-même, artificielle et boursouflée pour nous faire ressentir une émotion. Je ne voulais pas devenir sarcastique mais je n’ai pas pu m’empêcher de rire lors des pléthoriques passages où Marchenoir se prend presque pour le Messie revenu pour le Jugement dernier. En dernière instance ce qui condamne Le desespéré c’est un style m’as-tu-vu, faussement romantique et antimoderne, artificiel donc incapable de toucher. Je recopie un petit paragraphe (une longue phrase en réalité) histoire de donner une idée aux personnes qui liront cette critique de ce que peut être le « style Bloy ».


Dans ce passage on parle de la protégée de Marchenoir, une ancienne prostituée désormais exaltée par la religion grâce à son sauveur Marchenoir.


« Que cette étonnante fille eût l’intuition d’une solidarité si absolue que toutes les attingentes idées d’espace, de temps et de nombre en fussent dissipées comme la buée des songes, et qu’elle accumulât, sur la tête du malheureux homme qui l’avait rachetée, toutes les identités éparses des Sauveurs immolés et des héroïques Nourriciers défunts, dont il lui avait raconté l’histoire ; que, par l’effet d’un amour de femme exorbitamment sublimé, il lui apparût, en une façon substantielle, comme son Adam, son Joseph d’Égypte, son Christ et son Roi, il ne jugeait pas expédiant d’y contrevenir, - ses propres pensées empruntant souvent leur accroissement et leur être définitif aux extra-logiques formules, dont la voyante illettrée s’efforçait d’algébriser, pour lui, ses indéterminables aperceptions. »
ou des vertus de la simplicité et du dépouillement en littérature…


En résumé, c'est une boursouflure littéraire qui n’atteint quasiment jamais, selon moi, une quelconque vérité ou bien nous touche. Peut-être n’ai-je pas compris la raison d’exister du roman et que je n’ai pas su déceler sa beauté de diamant brut comme j’ai pu le lire dans les autres critiques, que la narration n’est pas aussi complaisante que je veuille le dire, il n’empêche… Le roman pourra être intéressant pour les philologues et en général les gens qui ont du temps à perdre, on retiendra quelques piques scatologiques aux contemporains qui touchent juste et sont drôles, mais à titre personnel, j'estime que que la vie est trop courte pour perdre du temps à lire ce genre de choses.

cumpana
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le 8 mars 2022

Critique lue 435 fois

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cumpana

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