En 1965, soit trois ans seulement après le succès de son roman Le Maître du Haut Château, Philip K. Dick accouche d'une oeuvre singulièrement déroutante, marquant un tournant dans sa bibliographie : Le Dieu Venu du Centaure.
Véritable trip parano et psycho-religieux, ce roman prend pied dans un univers SF déroutant faisant office de climate fiction bien barge : l'humanité étouffe sur Terre, dont les températures galopent au 80 degrés. Forcée par Les Nations Unies d'émigrer sur les planètes du système solaire, elle se prélasse désormais dans l'abandon de leur réalité via une drogue surpuissante : le D-Liss.
Le commerce de cet hallucinogène délirant est régi par Leo Bulero, nabab richissime, mais se retrouve menacé par l'arrivée d'une nouvelle drogue encore plus puissante : le K-Priss.
Venu tout droit des confins de l'espace, cette substance offre des possibilités d'évasion au delà de ce que l'on peut concevoir... mais son prix à payer est, lui, bien réel.
Parmi les oeuvres phares du grand maître de la science-fiction, Le Dieu Venu du Centaure est à ranger dans ses créations les plus explosives d'inventivité, tant elle explore les contrées d'une SF rare . Sous couvert d'une aventure hallucinée entre réalité et univers parallèle, entre passé et futur, il y a aussi l'amorce d'une critique acerbe de la religion et du prix à payer pour la dévotion absolue (élément que l'on retrouvera dans sa Trilogie Divine), ainsi que, au travers du personnage de Palmer Eldritch, la quête étrange d'un Dieu omniprésent.
En pleine terra incognita, Dick nous lâche sans accroches dans un univers fictif singulier avec ses termes spécifiques (l'argent s'appelle des peaux, les apparts sont des conapt, on nous parle de Poupée Pat, de Prémod, de D-Liss...), nécessitant au lecteur un certain temps d'adaptation, peu aidé par les transvasements réguliers entre réel et fiction.
En parallèle se déroulent les réflexions d'une humanité divisée en deux camps : ceux ayant eu les moyens d'éviter l'émigration forcée, dont le lobe frontal grossit au fur et à mesure de leurs opérations d'évolution, et ceux condamnés à arpenter les terres sans vie des planètes colonisés. L'avenir est rarement rose, dans l'oeuvre profuse de Dick, et le prix à payer pour l'éternité passe une servitude involontaire.
Mais finalement, c'est ce cocktail chargé de climate fiction, de lutte religieuse, de trip sous acides, et de personnages torturés qui nous fait accrocher jusqu'à la dernière page, dans une lutte pour préserver la psyché de l'Humanité toute entière !