Le Dit d'Aka a été publié en l'an 2000. Il s'inscrit dans le « cycle de l'Ekumen », mis de côté par l'autrice depuis 25 ans en ce qui concerne les romans. Ursula Le Guin nous dépeint une planère, Aka, aux prises d'un pouvoir totalitaire qui ne peut que faire penser au roman de Georges Orwell, 1984. On a un pouvoir niant l'Histoire et persécutant les tenants d'un tradition livresque. Le recours par lui à l'annihilation des ouvrages relatant le passé de la planète ne peut que nous renvoyer à l'ouvrage de Ray Bradbury, Farenheit 451; mais également, dans un contexte où le fanatisme est du côté de la religion, aux autodafés de Savanarole perpétrés à Florence à l'extrême fin du XVè siècle. Car c'est là que réside l'intérêt de ce roman; dans la dénonciation de tous les fanatismes qu'ils soient inhérents à des croyances religieuse ou scientiste.
L'héroïne, Sutty, une historienne d'origine terrienne, a vécu les exactions de l'intolérance religieuse sur sa propre planète avant de se trouver, en tant qu'émissaire de l'Ekumen, face à un pouvoir qui rejette tout ce qui peut constituer une tradition, notamment orale
Les autorités d'Aka ont bénéficié de la manne offerte par l'Ekumen qui recherche à relier l'humanité après des millénaires de dispersion. Pour Akka, cela s'est soldé par une volonté d'éradiquer le passé en interdisant les livres et la langue ancienne.
Sutty est mandatée par l'Ekumen de contre-carrer cette éradication qu'il a lui-même engendré par son intervention plusieurs décennies avant dans le destin de la planète. Par son intervention, l'Ekumen n'a-t'il pas engendré chez les habitants d'Aka un sentiment de rejet envers leur propre passé? L'héroïne, espionnée dans un premier temps par les autorités locales, se lance dans une quête qui la conduiront à découvrir le dernier vestige d'une civilisation livresque, vouée à la méditation et à la simplicité.
Ursila Le Guin, par l'intermédiaire de son héroïne, fait acte d'ethnologue et d'anthropologue; qui souhaite conserver les cultures menacées par une société vouées aux fanatismes technologique et religieux. Car ne l'oublions pas, les fanatiques religieux utilisent avec délectation tous les moyens de communication que leur offre la technologie actuelle pour horrifier leurs victimes potentielles et ensuite les exterminer.
Ursula Le Guin, une nouvelle fois, fait preuve d'une grande sensibilité dans un style fluide. On ne peut qu'être sensible aux descriptions d'un monde en danger, à la bonté des interlocuteurs de l'héroïne, face au fanatisme. On ne peut que faire un lien avec la volonté actuelle des gouvernants, qu'ils soient dictatoriaux ou démocratiques, d'annihiler toutes les cultures minoritaires au nom du sacro-saint capitalisme.