« Le divan illustré » est un savoureux roman tant par sa forme, alternance de mots et de graphisme, que par cette autodérision salvatrice qui le parcourt. En 1993 Michel Longuet, illustrateur et réalisateur a commencé à tenir un journal intime, composé de consignes de faits et de réflexions illustrées de dessins, appuyés de courts textes. C’est tout naturellement qu’il recompose ici cette structure littéraire particulière où nous allons, jour après jour, le suivre, dans ses séances commencées en 2001, chez Madame W, sa psy. Sur ce divan maintes fois dessiné (mais est-il réellement doté de pieds ?), il déroule le tapis de sa vie, tantôt l’effleurant, tantôt le secouant, d’où s’échappent des particules de souvenirs épars qui épinglent tour à tour famille, connaissances, amants… c’est bien connu, l’enfer c’est les autres qu’il faut prendre ici dans le sens purement Sartrien où le rapport à l’autre est vicié et tordu, puisque l’œil d’autrui a contribué à construire sa propre image. Et c’est là où le roman est particulièrement bien échafaudé (chaque élément ayant une fonction narrative). Derrière la truculence de mots, l’ardeur du trait de crayon, des souvenirs de films (le chapitre sur « La mouche » de 1957 est délectable) ou de rêves, le trouble s’exprime. C’est sous cette apparence anodine que se construit sa démarche d’analyse. « Comment s’occupe t-il de lui » ? Cette question fondamentale de Madame W révèle le malaise. Homosexualité (à moitié assumée, n’est pas Zaza Napoli qui veut cf appendice Michel Serrault…), un père au passé trouble un poil facho, un poil homophobe, une mère véritable mégère apostasiée de l’amour… tout remonte… tout se dessine… et retrace un parcours, son parcours. La lecture est amusée et avide tant ces quelques moments volés sont bien croqués. « Le divan illustré » m’est assurément un coup de cœur que n’aurait pas renié un Italo Calvino et qui trouvera une bonne place dans la bibliothèque entre « Dieu, Shakespeare et moi » de Woody Allen « Comment voyager avec un saumon » d’Umberto Eco.