Ils en sont presque mignons… Une jeune fille rompue aux amours de couvent qui joue à l’ingénue sans savoir qu’elle est peut-être une authentique ingénue, un adolescent bien né mais pas de la dernière pluie qui derrière sa timidité feinte ne cache sans doute pas autre chose que de la timidité… Là-dessus, l’abbé Cudard (!), précepteur paillard trop rustaud pour être honnête et trop impatient pour parvenir à ses fins – à moins que…
On n’en fait plus, des histoires comme celles-ci. D’abord parce qu’il y a des lois prévues pour elles : il n’a que treize ans lors de ses glorieux débuts, ce vicomte Solange, « jouvenceau de la meilleure tournure, très grand pour son âge, svelte, à la physionomie noble, et beau !… ma chère, beau comme Adonis » (p. 23 de la réédition « Babel »). Ensuite parce que le coup des deux lettres que le valet chargé de les expédier a détournées au profit des éditeurs, lesquels les publient dans un but moral, ça aurait l’air éculé… Donc, en versions espiègles de Cécile Volanges et Sophie Carnay – encore qu’on ne sache pas à quelles espiègleries se livraient les personnages de Laclos dans leur couvent –, Érosie et Juliette respectivement. La première est dégoûtée des trois hommes qu’elle a rencontrés dans sa vie : l’un préférait la mère de notre héroïne, l’autre était d’une jalousie maladive et le dernier ne bandait pas.
Évidemment, Érosie – et Nerciat – n’écrit pas l’abbé des Écarts ne bande pas. « Cet intrépide fileur d’intrigues manque d’haleine au plus beau moment de son rôle ! J’en suis, moi, pour mes frais de scène, et la toile est tombée sans qu’il y ait eu de dénouement » (p. 14), voilà qui est plus convenable, non (1) ? Bon, peut-être pas ! En tout cas, tout est gazé, comme on disait au XVIIIe siècle, d’un style qui exige qu’on lise entre les lignes pour comprendre qu’il s’agit ici de saphisme, là d’un g*****ché, ailleurs de f****tions de dortoir entre collégiens, plus loin d’une d****e p******tion en bonne et due (?) forme (2)…
Comme toute œuvre libertine qui se respecte, le Doctorat impromptu propose tout un jeu de reflets et d’échos entre narratrice principale (fictive), destinataire (fictive), auteur (réel), narrateur d’un récit enchâssé (fictif), éditeurs (fictifs) et lectorat (réel). Ledit lecteur, du reste en sera pour ses frais s’il cherche dans le roman une fascination assumée pour le le péché.
C’est que finalement le récit s’apparente à une variation autour du thème du coup de foudre ! La manipulation – voire le chantage – ont beau être le moteur du récit, les protagonistes se combiner de toutes les façons, le si bien nommé abbé Cudard provoquer le dégoût de nos jeunes héros, personne ici ne cherche le vice pour le vice, ni ne regrettera quoi que ce soit. Il émane du roman comme une sorte de pureté : la jouissance physique, oblitérant le dégoût, justifie tout. À ce titre le Doctorat impromptu préfigurerait presque l’amour libre des années 1960 – jusque dans ses ambiguïtés : le culte du corps n’en est pas absent, et la figure de la femme qui commence par dire non mais qui se retrouve bien contente de se faire d******* la c***** peut mettre mal à l’aise… (On mettra ce deuxième point sur le compte de l’esthétique générale du récit : le plaisir y est toujours en fin de compte partagé.)
Il n’y a bien que le futur mari déjà cocu qui trouverait quelque chose à y redire !
(1) Et qui illustre assez bien la théâtralité de l’ensemble.
(2) On prend goût aux astérisques, n’est-ce pas ? Je gaze mieux que les sites spécialisés, mais moins bien que Nerciat !