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Tout y est ravissant, pour l'oreille et pour l'âme.

Par Pierre Jouan

Les écrivains US ont encore débarqué en nombre sur les plages minées de la rentrée littéraire, et, comme à chacun de ses livres, un des membres du contingent meurt dans l'anonymat et l'indifférence des puissants : Lucius Shepard. La raison ? On n'a jamais bien compris dans quel bataillon il fallait l'affecter. Recourant volontiers à la science-fiction et la fantasy, il fut d'emblée publié dans des collections de genre (Ailleurs & Demain, Denoël / Présence du futur) ; mais ses récits conradiens, introspectifs et mystiques, n'y conquirent guère qu'un succès d'estime, peinant à trouver leur public. Quant aux lecteurs hors-genre, inutile d'évoquer son nom : à 65 ans, Shepard fait figure de soldat inconnu. De sorte que, virtuellement, son lectorat n'existe pas, et que la décision de continuer à publier son oeuvre n'est due qu'à l'obstination des quelques passionnés de cet auteur culte (ici, les éditions du Bélial, et leur fidèle et talentueux traducteur, Jean-Daniel Brèque).

Un statut dont l'intéressé se passerait bien, comme il le dit en interview : « Je préfèrerais ne PAS être culte ! (Rires) Je gagnerais beaucoup plus d'argent » (in revue Bifrost #51). Il a beau en rire, Shepard est bel et bien victime de son positionnement. Circonstances aggravantes, il n'écrit souvent que des « romans courts », un format pour lequel les anglo-saxons ont un nom (la « novella ») et des supports de publications idoines, mais qui est inexistant chez nous. Conséquence : on ne peut publier Shepard que sous forme de recueils, assortiments de romans souvent fort épais, dont on sait qu'ils équivalent chez nous à un suicide commercial. Ainsi va la vie, et notre Hemingway de la SF, qui a bourlingué sur à peu près toute la planète, est en passe de devenir le grand oublié de la littérature US contemporaine, un génie méconnu aux ventes insignifiantes, dont la traduction intégrale ne se fera sans doute jamais, faute d'une identité claire en termes de genre (ou de non-genre) et d'un relais médiatique suffisant.

Pourtant, le petit milieu de l'Imaginaire hexagonal ne s'y est pas trompé, conscient de posséder un joyau que le reste des lettres lui envierait, s'il lui prenait l'idée de s'y intéresser. Jugez-en plutôt : deux Grand Prix de l'Imaginaire de la nouvelle étrangère pour ses derniers recueils (Aztechs en 2007, Sous des cieux étrangers en 2011), la réédition d'un chef-d'oeuvre, La Vie en temps de guerre, en 2010 (éditions Mnémos, voir Chronic'art #70) et, parmi ces pierres précieuses, des joyaux à l'éclat rare, comme les novellae (c'est la forme plurielle) « L'Eternité et après » ou « Bernacle Bill le spatial », des récits qui transcendent les genres en tordant la réalité, entre hallucinations et contemplation, et méritent leur place au panthéon universel des lettres. Sans exagérer. Car Shepard est avant tout un grand littérateur, un virtuose de la langue du niveau de Pynchon ou Richard Powers, un obsédé du mot juste, qui aligne les phrases parfaites avec une aisance déconcertante : les goûts, les couleurs, et les sons (... et les odeurs, et les textures) font plus que se répondre, ils transpirent du papier, procurant un effet d'immersion à l'intensité unique. (...)

Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/livres/lucius-shepard-le-dragon-griaule/
Chro
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le 24 avr. 2014

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