Rares sont les œuvres qui arrivent à propose une expérience qui côtoie autant la douleur et le plaisir. Du côté des jeux-vidéo le Survival-Horror incarne merveilleusement bien cet ambivalence, de Silent Hill à Dark Souls (qui récupère allégrement beaucoup des motifs du genre). La littérature, elle, possède Le Festin nu, une expérience hallucinatoire interminable. Le Festin nu n'a ni début ni fin, ni droite ni gauche, ni haut ni bas, il s'agit d'un dédale incompréhensible dans lequel le lecteur se perd, s'y retrouve parfois, finit généralement par s'y abandonner totalement. Une suite de chapitre sans lien, narrant des expériences hallucinées de drogues en tout genre, d'expériences physiques extrêmes, et de description scientifique. L'abstrait côtoie la science. si le dédale d'un personnage que vous ne connaissez pas, qui ne connaitra ni introduction ni conclusion, se fait dans une ville indéfinie, peuplée d'habitants que vous n'arriverez jamais à réellement définir (surhumains, aliens, clones....), il n'hésitera cependant pas à vous expliquer sur plusieurs paragraphe l'origine de tel substance et ses effets précis sur l'organisme. Interminable parce que rien ne s'enchaîne, vous finirez bien par remettre certains personnages haut en couleur mais pour les trois quart je n'ai retenu ni leur nom ni leur fonction. Pourtant tout est au final cohérent, il existe des clans, une géographie, une politique, des personnages récurrents, mais la structure elle met à mal toute compréhension jusqu'à empêcher toute intellection globale. Le Festin nu c'est un état d'esprit dérangé, malaisant, profondément organique et sexualisé, comme un Marquis de Sade sous psychotropes. C'est autant une œuvre de science-fiction, d'horreur, de pornographie, etc... Le Festin nu déjoue toute règle, chaque lecteur se fera son entrée et son expérience, "Le Festin nu exige de la part du lecteur un Silence absolu sans quoi il n'entendra que son propre pouls..." nous dit Burroughs. Cette remarque synthétise totalement l'expérience du livre, qui sera rejeter en bloc par les plus sensibles et les moins patients.
Œuvre douloureuse certes mais tout autant jouissive quand après cette perte absolu de sens, vous retrouvez un personnage ne serait-ce que l'espace d'une seconde, lorsque quelques éléments s’emboitent le temps d'un paragraphe pour se séparer dans le prochain. Le plaisir n'intervient qu'après de longues peines. C'est pourquoi de telles œuvres déjouent le principe même d'une critique et encore plus d'une note.

Antichrist
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le 17 mars 2018

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