J'ai beaucoup apprécié cette lecture préfacée par Rokhaya Diallo. C'est un livre qui manquait sur le plan du militantisme lié à la pop culture et au cybermilitantisme dans un monde capitaliste où les jeunes passent plusieurs heures sur internet. Quelles dérives ? Quelles promesses ? La diversité des témoignages d'activistes est précieux. Initialement, Laura-Jane a créé le podcast Supplément d'ame que je ne connaissais pas ! De quoi redonner envie d'écouter des podcasts !
Ce livre tente d'expliquer les différentes raisons de nos engagements, comment il est devenu bankable et comment il s'imbrique ou non avec le woke washing (quand les actes des marques ne suivent pas leur engagement marketing). La jeunesse d'aujourd'hui est celle de multiples crises, bien plus globales et visibles que par le passé. C'est aussi pour ça que les adultes qui nous disent que notre engagement n'est qu'une passade ne tient plus : nos espérances ne sont pas illusoires puisque nous sommes né.es avec des désillusions, bien que notre classe ne soit pas nécessairement unifiée. Les crises nous guident indirectement vers une remise en question globale avec la convergence des luttes.
Une grande partie de l'ouvrage s'attache à évoquer les réseaux sociaux et les nouveaux médias qui permettent de dévoiler de nouveaux messages, pas parfaits, mais incluant plus de personnalités : l'intime est revenu une vitrine rassurante et mobilisante. Oui il y a un militantisme post-it qui consiste en de simples posts éphémères pour se donner bonne conscience comme un post noir pour la lutte black lives matters. Mais une bonne partie des jeunes qui s'informent non plus sur la télé mais sur internet sont engagés dans une forme de déconstruction de nombreux enjeux. Cancel culture, pureté militante, mai 68, le rapport au temps et au travail, la création des syndicats en 1884, la baisse du syndicalisme, le délitement du lien social, les pratiques militantes comme l'action directe, le community organizing, la pair-aidance... Les RS ont aussi mis en avant une accélération du militantisme et de la politisation des individus et indirectement amène une décentralisation des militant.es et un nombre important d'associations. Bref, les RS ne suffisent pas mais on sous-estime parfois leur impact couplé à d'autres moyens. Ça manque juste un peu je trouve de dénoncer le fait que l'extreme droite reprend beaucoup à son compte un mélange entre nos techniques et les les moyens mainstream : les mèmes, les médias indépendants... etc qui génère de la polarisation accentué par les bulles filtrantes des algorithmes.
Iels questionnent le caractère insidieux de tout cela : la responsabilité reposant en majorité sur les jeunes, le fossé entre les générations, le manque de transmission militante ou encore le lien entre engagement et traumatismes et émotions. En effet, les jeunes n'ont jamais autant vu de thérapeutes (37% des 18-24 ans). Un livre à offrir à toustes les boomeur.euses qu'on aime mais qui nous fatiguent. Un livre qui pointent aussi le endroit où s'investir en éclairant des angles morts.