L'art de la narration de Somerset Maugham ainsi que de l'ironie
Je connaissais la chanson d'Alain Souchon comme beaucoup de monde mais n'avais jamais lu Somerset Maugham pour autant.Un vide grenier m'a permis de trouver un de ses livres et j'ai été surpris par cet écrivain élégant et habile. Dans le fil du rasoir, publié en 1943, Somerset Maugham ne se contente pas de décrire la bourgeoisie américaine de l'après-guerre 14-18, il la dissèque tel un entomologiste zêlé et touche plutôt au but dans cette entreprise.De plus, le fait que l'écrivain américain se mette en scène et soit le confident de trois personnages (Larry,Isabel et Eliott) démontre quelque part son investissement pour montrer sa connaissance du milieu bourgeois, de son côté grandiloquent et superficiel.
Ne se contentant pas de ce procédé narratif, Somerset Maugham dialogue directement avec le lecteur tout au long du livre. Ce semblant de connivence littéraire est vraiment suranné mais grâce à celui-ci, le lecteur ressent une générosité palpable, une envie de Maugham de ne pas seulement faire le boulot en se contentant de coucher son histoire sur le papier.
Au niveau du contexte de lecture, je me suis un peu moqué de ces gens bien comme il faut, parfois dépassés par leurs sentiments les moins avouables (le personnage d'Isabel est trés représentatif de ce "state of mind").Et question ironie, Somerset Maugham en distribue énormément, notammment quand il décrit Suzanne Rouvier ( femme pas trés maligne mais qui a l'esprit pratique en partageant ponctuellement la vie de peintres ou de notables contre toit et gîte).
Un personnage sort du lot: Larry, archétype du petit bourgeois qui fuit son milieu par réaction. Sa façon d'être un dissident tout au long du roman est merveilleuse car il ne cesse d'avancer dans la vie en fonction des circonstances et vit des expériences originales ( travailler avec des mineurs, côtoyer un Yogi dans un ashram entre autres). Selon moi, c'est le personnage le plus intéressant du roman et vous verrez comment Maugham lui rend hommage avec tact et respect.
La dernière dimension sur laquelle je veux revenir, c'est cette mondanité obligatoire et pesante que Maugham raille mais il est également conscient qu'il est acteur de ce cinéma social permanent.Chaque allusion sur les mondanités plus ou moins justifiés de l'existence est donc un prétexte à établir une grande vérité: celle de ne jamais être dupe de ce balai codifié.